LEGENDES - FOLKLORE - ÊTRES IMAGINAIRES - PEUPLES
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 CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS

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Yaelle
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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:05

Le Diable



Le diable se rencontre à chaque instant dans les contes picards. Il joue deux rôles totalement différents. Le plus souvent, c’est un être peu intelligent, disposé à tout faire pour acquérir l’âme d’un mortel, et ne réussissant qu’à se faire duper par ceux qui ont conclu un marché avec lui. Trompé une première fois, il se fait prendre aux mêmes tours deux ou trois fois sans en être étonné, et, au lieu d’une âme, il n’emporte jamais qu’une botte de paille ou un tronc d’arbre. Il est vrai qu’il s’en venge en renversant portes et cheminées, mais il n’en est pas moins le héros malheureux de la farce. Plus rarement, il est rusé ; mais alors il l’est excessivement et son caractère est cruel.

Le dernier conte du chapitre que j’ai réservé au diable me semble particulièrement intéressant. Il reproduit comme un abrégé de L’Enfer du Dante. On y trouve le comte d’Aveluy visitant les salles de l’enfer, salles affectées chacune à un supplice particulier et à la punition d’un crime spécial. Les personnes vouées à ces tortures disent elles-mêmes pourquoi elles sont punies en cet endroit, et racontent leur vie comme on le voit faire dans La Divine Comédie. La donnée en est donc populaire.

É. Henry Carnoy
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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:09

Le Diable et la jeune fermière


C’était il y a bien longtemps, du temps du grand-père du grand-père de mon grand-père, pour le moins ; on était au jour de la fête du village ; on devait danser le « cotillon » et la « branle » sur la grande place, à l’ombre des grands tilleuls et des marronniers, et toutes les jeunes filles des environs à plus de trois lieues à la ronde s’y étaient donné rendez-vous pour cette réunion. Depuis un mois, les jeunes gens ne songeaient qu’à la fête, et c’était même le seul sujet de conversation depuis longtemps.

La fille du plus riche fermier de la commune devait ouvrir la danse avec le jeune seigneur du château voisin, et c’était un honneur que chaque fille lui enviait en secret. Malheureusement, ce riche fermier était un vieil avare qui cherchait par tous les moyens possibles d’augmenter son avoir si considérable déjà. Trouvant qu’il y avait encore bien de l’ouvrage aux champs, il ordonna à sa fille d’aller dans la plaine épandre quelques gros tas de fumier que les domestiques y avaient conduits la veille.

— Mais, papa, tu n’y songes pas ! Aujourd’hui, au moment de la fête, m’occuper d’un pareil travail ! Vraiment, c’est pour plaisanter que tu me dis ceci.
— Je ne plaisante pas, je parle fort sérieusement.
— Mais, enfin, tu sais bien que j’ai promis d’ouvrir la danse sur la grande place avec monsieur le marquis, ce jeune homme si...
— Encore une fois, je parle sérieusement. J’entends que cet ouvrage soit terminé avant que tu n’ailles au bal. C’est compris !

Et ce disant, le vieil avare laissa sa fille qui se mit à pleurer à chaudes larmes.
— Vraiment, c’était bien la peine de songer si longtemps à cette belle fête et à ce bal pour lequel j’ai acheté de si belles robes sur mes économies ! Aller aux champs, par un pareil jour, pendant que mes compagnes seront à danser sous les tilleuls et que le jeune marquis sera à se demander pourquoi je ne serai pas là pour danser la branle !… Et puis, épandre des tas de fumier, la singulière besogne ! Mon Dieu, mon Dieu, que je suis malheureuse ! pensait la jeune paysanne.

Mais le mieux, puisque le fermier le voulait ainsi, était encore de se hâter d’aller aux champs accomplir ce maudit ouvrage. C’est ce qu’elle comprit sans doute, et ce qu’elle s’empressa d’exécuter.

À peine arrivée au lieu indiqué, elle s’aperçut que même en s’appliquant beaucoup au travail, il y avait encore de l’ouvrage de reste pour le lendemain matin. Que faire ? Que faire ? Aucun moyen de sortir de ce mauvais pas… à moins pourtant que le diable ne vînt l’aider en personne, ce qui était peu probable.

Il est à présumer que la jeune fille fit cette dernière réflexion à haute voix, car elle n’avait pas plus tôt achevé, qu’elle se trouva en présence d’un petit homme vêtu de vert, portant une queue et des cornes de bouc : le diable en personne, comme on pouvait le voir à son œil noir sans prunelle et à ses grands pieds fourchus.

— Eh bien ! la belle, que me veux-tu ? Tu viens de dire que seul je pouvais t’aider, et je suis venu. Quoi qu’on en dise, je suis fort bon garçon et j’aime à tirer d’affaire les gens en peine. Qu’ as-tu à pleurer ?
— J’ai, répondit la jeune fille, qui d’abord effrayée n’avait pas tardé à se rassurer, j’ai que c’est la fête du village aujourd’hui, que je devais commencer la danse avec le fils du seigneur et que mon père m’a envoyée ici épandre ce maudit fumier.
— Alors, il te faudrait…
— Épandre ces tas de fumier en quelques minutes, pour que, le travail fait, il me soit possible d’arriver au village à temps pour le bal.
— N’ est-ce que cela ? Ce ne sera pas bien long. Mais… que me donneras-tu en échange ? Rien pour rien, voilà ma devise.
— Que voulez-vous que je vous donne ?
— La première chose que tu lieras demain en te levant.
— Vous me demandez bien peu de chose. Aussi, est-ce convenu.
— Alors, signe de ton sang sur ce parchemin.

Le diable égratigna légèrement le bras de la jeune fille, en tira une goutte de sang et fit signer le parchemin jaune sur lequel le démon inscrit ses pactes infernaux.

Dès que le nom de la paysanne eut été inscrit sur la feuille, le diable s’écria :
— Holà ! Holà ! lutins, génies de l’air et génies des eaux ! fioles, herminettes, goblins, houppeux, minons, rouliers (1) ! arrivez vite et épandez par tout le champ ces tas de fumier. Hâtez-vous, surtout !

Des milliers de lutins et de génies, de toutes formes et de toutes espèces envahirent le champ, et en quelques minutes eurent terminé la tâche que le diable venait de leur assigner. Sur un signe de ce dernier, ils disparurent, l’ouvrage accompli. Puis le petit homme vert s’en alla à son tour, en disant à la jeune fille :
— À demain matin, ma belle. Point de paresse et ne me fais pas attendre !
La jeune paysanne retourna joyeuse à la ferme.
Le père fut bien surpris de la voir revenir si vite.
— Comment, tu rentres déjà ? Tu ne veux donc pas m’obéir ? Retourne au champ, fais le travail que je t’ai indiqué, sinon…
— Mais, mon père, ce travail est terminé ; je me suis hâtée, voilà tout. Du reste, tu peux voir d’ici si j’ai fini ma tâche. Le champ était situé sur la colline et s’apercevait de la ferme.
Le paysan regarda et vit que sa fille lui disait la vérité.
— Réellement, il faut que tu te sois hâtée pour avoir fini si vite ! Tu peux t’habiller et aller danser le cotillon : je ne te retiens plus.

Mais la femme du fermier, ne comprenant rien à ce qui venait de se passer, prit sa fille à l’écart et en obtint l’aveu du marché conclu avec le démon vert.
— Ah ! ma fille, qu’as-tu fait ? Ne vois-tu pas que tu t’es livrée au diable, et que demain à ton réveil, c’est toi-même qu’il viendra chercher pour t’emmener dans son enfer. Tu as vendu ton corps et ton âme.
— Comment cela, mère ?
— La première chose que tu lieras à ton réveil ce sera toi-même, puisque pour t’habiller, il te faudra lacer ton corset. Tu es perdue, malheureuse. Il me faut aller de suite trouver monsieur le curé et lui demander conseil. Mais, en attendant, va à l’église prier le bon Dieu, car je ne sais trop ce qui nous arrivera.

La jeune fille fort effrayée fit comme sa mère venait de lui dire, tandis que celle-ci allait trouver le curé et lui racontait ce qui était arrivé.
— Oh ! si ce n’est que cela, il n’y a rien à craindre pour votre fille. Au contraire, je suis fort heureux de ceci. Ce me sera une excellente occasion de jouer un bon tour au diable. Voici ce qu’il vous faut faire. Votre fille se couchera ce soir comme à l’ordinaire ; rien ne l’empêche même d’aller danser sous les tilleuls de la place avec ses compagnes. Vous placerez une botte de paille déliée près du lit, et, au réveil de votre enfant, vous lui donnerez la paille à lier. Ce sera ce que le diable pourra emporter. Du reste, je serai là avec de l’eau bénite au cas où le démon voudrait se venger d’une façon ou d’une autre du tour qu’on lui aura joué.

La fermière, rentrée chez elle, se mit en devoir de préparer la botte de paille pour le lendemain matin et raconta à son mari ce qui se passait. Celui-ci s’arrachait les cheveux de désespoir, s’accusant tout haut d’avoir vendu sa fille à Satan, et se promet tant bien de se corriger de son avarice.

La jeune fille, rassurée par sa mère, alla danser tout l’après-midi, et le soir venu revint et se coucha comme d’habitude. Mais elle ne put dormir de toute la nuit.

Au lever du soleil, le curé arriva à la ferme et se cacha derrière une grande armoire, après avoir mis à sa portée le bénitier et le goupillon. Puis la jeune fille prit la botte de paille, la lia et s’habilla. Le petit homme vert de la veille ne tarda pas à s’introduire par la cheminée dans la chambre de la jeune fermière.
— Eh bien ! je viens chercher ce que tu m’as promis, la belle. Qu’as-tu lié en premier lieu en te levant ?
— Ce que j’ai lié ? Qu’aurais-je lié ?

Le diable se tint prêt à saisir la jeune fille.
— Ce que j’ai lié ? Ah bien, le voici.
Et la jeune fermière montra au diable étonné la botte de paille qu’elle venait de lier.
— Ah ! maudite. C’est ainsi que tu veux me tromper ; tu vas me le payer.

Et ce disant, il allait frapper la jeune fille, quand le curé sortit de sa cachette, le goupillon à la main, et se mit à asperger d’eau bénite le pauvre diable qui poussait des cris épouvantables.
— Ah ! monsieur Satan, vous vous jouez ainsi de vos promesses. C’est bien ! Criez un peu ; allons, dansez, trémoussez-vous ! Donnez-nous du plaisir à cœur joie ! Fort bien, continuez ! Ah ! ah ! bien !
— Oh ! grâce ! grâce ! jamais je ne reviendrai ; jamais, je vous le promets ; je vous le jure ; je laisserai cette jeune fille en paix… Mais, de grâce, cessez de m’inonder d’eau bénite !

Le curé laissa enfin messire Satan se retirer avec sa botte de paille. On ne le revit jamais. La jeune fille se maria quelque temps après et vécut fort heureuse. Quant à son père, il tint sa promesse et se débarrassa de l’avarice, le seul vice qu’il eût, à la vérité.
Conté en juin 1880, par M. Albert Boulongne, de Beaucourt-sur-l’Hallue (Somme).


(1) Le conteur fait ici allusion à une légende picarde sur la création de la femme, qu’on peut trouver dans le tome III de la Faune populaire de M. Eugène Rolland ; art. Serpents.



https://fr.wikisource.org/wiki/Litt%C3%A9rature_orale_de_la_Picardie_%E2%80%93_Le_diable
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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:17

Le Fermier Tholomé et le diable


Entre Warloy et Contay, auprès du Mont-Failly, se trouvait autrefois une ferme habitée par un homme nommé Tholomé et par sa famille. La ferme avait d’abord été très prospère ; mais depuis la mort du père de Tholomé, il semblait que le malheur en personne fût venu s’établir dans la maison. Les mauvaises récoltes s’étaient succédé, les maladies sur les bestiaux étaient arrivées plus terribles les unes que les autres, le seigneur s’était montré plus rapace, la femme et les enfants étaient tombés malades, et Tholomé, en fin de compte, se trouvait sans aucune ressource. Que faire ? Il n’en savait trop rien ; il avait beau se creuser la tête du matin au soir, il ne pouvait trouver le moyen de sortir de cette misérable situation.

Pour comble de malheurs, il arriva que le soir même du jour où son dernier cheval mourait de la maladie, le feu prit à la ferme et que les granges et les étables furent détruites ; il ne resta guère debout que le poulailler, le chenil et une partie de la maison. Cette fois, l’infortune du pauvre fermier était arrivée à son comble. Il était perdu, tout à fait perdu.

Le lendemain matin, comme il se promenait en se lamentant au bord du Bois-Brûlé, il s’écria inconsciemment sans doute : « Le diable seul pourrait me tirer de ce mauvais pas ! » Il avait à peine achevé ces mots qu’un petit homme, haut de trois ou quatre pouces tout au plus, vint se poser sur son épaule et sautiller de-ci, de-là, sur la personne de Tholomé ébahi.

Tholomé remarqua avec plaisir que c’était un joli petit diable, bien gai, guilleret, léger et surtout vêtu d’un bel habit vert à franges d’or fin. Son chapeau, sur lequel flottait une longue plume de paon, était gentiment posé sur sa petite figure.
— Ha ! Ha ! Tholomé, les affaires ne vont pas, à ce que je vois ! Tes champs ne produisent que de la mauvaise herbe, tes bestiaux sont morts, ta femme est malade et le feu a détruit une bonne partie de ta ferme !… Tu ne sais à quel saint te vouer, et tu m’as appelé. Eh bien ! me voici. Allons, causons franchement. En quoi puis-je te servir ?

Tholomé expliqua au diable ce qu’il désirait de lui.
— C’est bien, mon bon Tholomé ; tu auras une belle ferme, de vastes granges remplies de blé et de foin, des animaux de labour et de pâturage en quantité convenable, la santé rentrera chez toi, si tu le veux bien…
— Si je le veux ! Parbleu !
— Tu auras tout ce que je viens de te dire pour le moment où cette nuit le coq chantera dans ta cour ; mais, par contre, si je suis fidèle à mon engagement…
— Eh bien !
— Tu me donneras l’âme de ton fils aîné.
— L’âme de mon fils aîné ?
— Oui.
— Assurément vous n’y pensez pas !
— — Si, si, c’est à prendre ou à laisser. Rien pour rien, voilà ma devise. Donnant, donnant.

Tholomé réfléchit quelques instants. Il se dit qu’il était affreux de livrer au démon l’âme de son fils ; mais d’un autre côté il se représenta le bonheur dont il allait jouir dans sa nouvelle ferme et… il accepta.
— Je consens, dit-il au petit homme vert. Je consens, mais à cette condition que tout sera terminé à l’instant même où le coq chantera. Sinon la ferme me reste et tu n’auras rien.
— — Oui. C’est convenu. Signe ceci.

Et le démon tira de sa poche un large parchemin, dans lequel il eût pu envelopper dix diables comme lui. Il le déplia, puis il fit sortir successivement de sa poche une plume d’oie toute préparée, une table et un canif avec lequel il piqua le paysan au bras. Une goutte de sang sortit, le démon y trempa la plume et la passa à l’homme pour signer l’écrit horrible. Tholomé écrivit son nom à côté d’une multitude d’autres.

Puis le petit homme fit une cabriole, remit dans sa poche le parchemin, le canif, la plume et la table, et disparut dans les broussailles en criant joyeusement :
— Ha ! ha ! Hou ! hou ! Encore une bonne journée pour Dick-et-Don.

Tholomé se promena jusqu’au soir.

En rentrant à la maison, le fermier aperçut des milliers de diables transportant des pierres, du mortier, de la chaux, du sable, abattant les vieux murs, creusant le sol, forgeant, charpentant avec une célérité incroyable et un bruit d’enfer, tandis que d’autres petits démons éclairaient le travail par des centaines de torches enflammées. La femme et les enfants étaient rétablis mais tout étonnés de ce manège et se demandant quelle était cette troupe d’ouvriers arrivés tout à coup pour reconstruire la ferme.

Le paysan raconta à sa femme ce qui s’était passé entre lui et le diable auprès du Bois-Robert, et lui demanda conseil.
— Ah ! malheureux ! qu’as-tu donc fait ? Livrer ton fils au diable ! Tu es donc un démon ?
— Non ; mais j’ai compté sur toi pour tromper le diable et nous tirer de là avec honneur.

La femme de Tholomé réfléchit quelques instants.
— Tu dis que le diable doit finir le travail avant le chant du coq ! C’est bien. Ce n’est pas pour rien que le bon Dieu fit la femme d’une patte de serpent. Je saurai conserver et la nouvelle ferme et l’âme de mon fils.

Les diables avaient ordre de finir le travail avant le lendemain matin, à cinq heures, l’heure du réveil du coq. C’était là que la femme du paysan les attendait.

Vers quatre heures du matin, elle se leva doucement et s’en alla au poulailler. Le travail était presque fini. La paysanne entra dans l’étable aux poules et réveilla le coq qui se mit à pousser quelques cocorico, coquiacou ! éclatants.

Le diable Dick-et-Don était joué. Il s’enfuit avec tous les autres démons, laissant inachevé le mur de l’enclos auquel il ne manquait plus que quelques pierres. Une belle ferme s’élevait à la place de l’ancienne. Les granges regorgeaient de blé et de foin ; dans l’écurie et les étables étaient de beaux chevaux et des vaches bien grasses, et un grand sac de pièces d’or était déposé dans l’armoire.

Le fermier Tholomé vécut riche et heureux à partir de ce jour, et jamais il ne revit Dick-et-Don qui, trompé une fois, ne jugea plus à propos de renouer connaissance avec celui qui l’avait dupé.
Conté en décembre 1879, par M. Albert Boulongne, de Beaucourt (Somme).


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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:18

Saint Crépin et le diable

Il y a bien longtemps, si longtemps même que je ne saurai ; vous dire en quel temps, saint Crépin et le diable réunirent leurs économies et achetèrent une grande pièce de terre. Comment se fit-il que saint Crépin eût songé à s’associer avec le démon ? Je n’en sais rien. Toujours est-il qu’ils avaient acheté un beau champ et qu’ils étaient convenus d’en partager les produits. Le diable, se, croyant bien fin, demanda pour sa part de la première année tout ; ce qui pousserait hors du sol, donnant le reste au saint homme. Saint Crépin fit mine de consentir niaisement à cette singulière demande, et il se promit bien de jouer quelques bons tours au diable.

Saint Crépin alla à la ville, en rapporta pour deux sous de graine de navets et ensemença le champ commun. Bientôt les navets couvrirent le sol de leurs larges feuilles vertes, et grossirent dans la terre jusqu’à se toucher.

Le diable vint trouver le saint et réclamer sa part de la récolte. Crépin le conduisit au champ et se mit en devoir d’arracher les navets. Le diable l’aida dans ce travail, et, à la fin, voyant le saint faire un tas à part des feuilles coupées, il demanda à son associé ce qu’il comptait faire de ces feuilles.
— Mais, c’est ta part, il me semble ! N’as-tu pas demandé tout ce qui sortirait du sol ? Les feuilles t’appartiennent et les navets sont à moi.
— Oh ! cette année, pensa le diable, il ne m’y reprendra plus ; je demanderai tout ce qui viendra dans le sol.
Et il fit comme il venait de penser.

Saint Crépin retourna à la ville, en rapporta un grand boisseaude blé et le sema dans le champ. Le blé germa, sortit de terre, poussa, poussa, et bientôt il se trouva prêt à être fauché, lié et battu. Le diable étant revenu chercher sa part de la récolte, n’obtint que le chaume et quelques racines dont il ne sut que faire. Cela ; était loin de le satisfaire. Aussi alla-t-il tout furieux trouver le saint pour lui proposer d’autres arrangements.
— Voyons, que veux-tu ? lui demanda Crépin.
— Je veux cultiver le champ par moi-même. J’y sèmerai une plante qu’il me plaira choisir : Si tu m’en dis le nom, le champ sera à toi tout seul, sinon il m’appartiendra. Cela te convient-il ?
— Oui. C’est convenu.
— À trois mois, alors ! Le diable s’en alla dans un pays lointain et en rapporta une plante inconnue du saint : la lentille. Il en sema dans le champ et attendit les trois mois.

Les lentilles germèrent, levèrent, poussèrent et couvrirent le champ ; le saint était en grand danger de perdre la partie, car, malgré toutes ses recherches, il n’avait pu trouver le nom de cette plante inconnue semée par le diable.
Quelques jours avant l’expiration des trois mois, Crépin se leva pendant la nuit, alla se rouler au beau milieu du champ de lentilles et revint se coucher tranquillement. Puis, le lendemain, il dit au diable :
— Hier soir, une grosse bête noire est allée dans ton champ ; elle y a même écrasé bon nombre de plants de cette herbe que tu y as semée. Si tu as à m’en croire, fais bonne garde ; il ne t’en resterait pas.
— — Je n’y manquerai pas, et je te remercie de ton bon avis.  Le soir venu, le diable alla s’embusquer auprès du champ, tandis que saint Crépin se roulait dans un grand tas de plumes après s’être plongé dans un tonneau de mélasse. Ainsi déguisé, il entra dans le champ.

Le diable ne put reconnaître le saint et fut très surpris de voir un tel animal se rouler dans ses lentilles.
— Koi ché donc d’ol bête lo ki vient abimi mes luntils (1) s’écria-t-il. Et peu rassuré, il s’enfuit. Saint Crépin en savait assez ; il courut à la rivière et se débarrassa de la mélasse et des plumes dont il s’était recouvert, puis il rentra chez lui et se coucha.

Le lendemain, le diable vint le trouver.
— Les trois mois sont écoulés, Crépin, et je viens te demander le nom de la plante que j’ai semée dans le champ.
— As-tu vu la bête, hier soir ?
— Ce n’est pas cela que je te demande. Sais-tu le nom de la plante ?
— Peut-être. Je vais te dire trois noms. Si le véritable n’y est pas, le champ est à toi… Je commence : 1° lin ?…
— Ce n’est pas cela, pauvre Crépin !
— … 2° luzerne ?…
— Pas encore plus ; la pièce de terre est presque à moi.
— … Oh ! bien, alors ! Il s’agit de ne pas se tromper !… 3° lentille ?
— Je suis joué ; adieu, Crépin, sans rancune ; le champ est à toi. Tu es plus malin que moi.
Conté en décembre 1879, par M. A. Boulongne, de Beaucourt-sur-l’Hallue (Somme).


(1) Quelle est donc cette bête qui vient abîmer mes lentilles ?

https://fr.wikisource.org/wiki/Litt%C3%A9rature_orale_de_la_Picardie_%E2%80%93_Le_diable
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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:24

Les Diables et le forgeron


Un forgeron était un jour occupé dans sa forge, à son habitude, à frapper de grands coups de marteau une grosse barre de fer rouge. Il allait finir sa tâche, quand un grand bruit de pas de chevaux lui arriva aux oreilles ; il laissa là son ouvrage pour aller voir à la porte de la forge quels étaient les survenants, et il vit deux chevaux arriver à fond de train et s’arrêter brusquement, pendant que leur conducteur sautait lestement sur le sol.

— Hé, l’ami ! cria l’étranger, viens donc attacher mes chevaux. Gare aux ruades, je te préviens qu’ils sont fort vifs. Le forgeron se hâta de lier les chevaux aux anneaux scellés dans la muraille, et, le bonnet à la main, revint se placer devant le nouvel arrivant.

— Veux-tu me ferrer ces deux animaux ? dit l’étranger en entrant. Je suis pressé, fort pressé. On m’attend à Arras pour le marché, dans une heure, et tu vois que je n’ai pas de temps à perdre si je veux arriver à l’heure.

— Que diable peut donc être cet homme ? pensa le forgeron. Il veut être à Arras dans une heure… et il y a douze bonnes lieues d’ici à la grande place du marché de cette ville.

Puis il reprit tout haut :
— Volontiers, Monsieur, dans une demi-heure j’espère avoir terminé ; mais je puis bien vous assurer, et cela soit dit en passant, que nul forgeron à dix lieues à la ronde ne pourrait ferrer ainsi deux chevaux en une demi-heure, et tout le monde…
— Trêve de discours, dit l’inconnu d’un ton bourru, je ne me suis pas arrêté ici pour écouter tes billevesées ; ferre-moi l’un des chevaux et laisse-moi tranquille. Je ne puis attendre une demi-heure. Hâte-toi !


Le forgeron se hâta de son mieux ; mais, malgré toute sa célérité, il employa vingt bonnes minutes à ferrer l’un des chevaux. Il s’en excusait en mettant ce retard sur le compte du soufflet, de son aide, ou de la mauvaise qualité des clous ; mais l’étranger ne répondait pas et se contentait de hausser les épaules en signe de mépris. Voyant l’un des chevaux ferré des quatre pieds, l’inconnu dit au forgeron :
— Mon ami, tu n’es point aussi subtil que tu voudrais bien me le faire croire ; je ne te ferai donc pas de compliments sur ton habileté ; mais je veux te montrer comment, sans aller à dix lieues à la ronde, je sais ferrer un cheval. Fais attention.

Ce disant, l’homme ouvrit un grand couteau qu’il venait de tirer de sa poche, et prenant les jambes du cheval et les coupant à la hauteur du genoux, il les porta dans la forge, et puis les ferra l’une après l’autre en les plaçant dans un étau. Le forgeron regardait tout ébahi cet homme extraordinaire. Ce qui lui semblait inexplicable, c’était surtout la singulière facilité avec laquelle l’inconnu avait coupé les pieds du cheval, sans pour cela répandre la moindre goutte de sang et sans paraître causer la moindre douleur à l’animal ainsi amputé. Son étonnement redoubla quand il vit l’étranger prendre les pattes du cheval et les remettre à leur place naturelle sans qu’on pût voir aucune plaie.
— Eh bien, l’ami ! Que dis-tu de ma façon de ferrer les chevaux ? Cela t’a fort étonné, je le vois… je ne te payerai pas tes fers ; je veux te donner autre chose que de l’argent. J’ai le pouvoir d’accomplir trois souhaits ; forme-les, je t’accorde à l’avance tout ce que tu pourras demander.
— Mais… vous êtes donc… sorcier ?
— Non, je suis mieux que cela : je suis le bon Dieu.
— Le bon Dieu !En ce cas je vous demanderai… mais laissez-moi d’abord réfléchir…
— Hâte-toi.
— Je vous demanderai donc… premièrement… que celui qui viendra s’asseoir sur mon fauteuil y reste tout aussi longtemps que je pourrai le désirer ; … deuxièmement… que celui qui grimpera sur le gros poirier de mon jardin soit obligé d’y rester ! tout aussi longtemps que je le voudrai ;… troisièmement… que ce que j’enfermerai dans mon sac ne puisse en sortir sans mon expresse volonté. C’est tout.
— Tu n’exiges pas beaucoup, l’ami ! Eh bien, comme je te l’ai promis tout à l’heure, je ferai que tout ce que tu m’as demandé s’accomplisse à la lettre… mais, avant de partir, je veux te donner le conseil de ne jamais ferrer les chevaux ainsi que tu me l’as vu, faire. Tu ne réussirais qu’à tuer tes bêtes. Adieu, l’ami.

Le bon Dieu sauta lestement sur l’un des chevaux et ne tarda pas à disparaître dans le lointain, en laissant derrière lui une longue traînée de poussière et d’étincelles.
— Si le bon Dieu va ainsi, je ne m’étonne pas qu’il soit à Arras dans quelques minutes, pensait le forgeron en regardant s’éloigner le voyageur.

Le forgeron avait sa maison hantée par un diable des plus méchants, qui ne cessait de lui jouer toutes sortes de vilains tours. Tantôt on trouvait les tisons du foyer épars par toute la maison ; tantôt le diable venait se coucher entre le paysan et sa femme et leur causait une peur effroyable ; d’autres fois, il renversait les meubles, cassait les plats, les assiettes et les verres, ou bien il appelait la nuit à la porte du forgeron comme le fait un malheureux qui demande un asile jusqu’au matin, et puis il se sauvait en riant du pauvre homme qui ne savait à quel saint se vouer pour se débarrasser de ce vilain démon.

Le forgeron cette fois tenait sa vengeance ; il voulut jouer un tour de sa façon à celui qui tant de fois était venu le narguer. Un jour donc, il se mit sur le devant de sa porte et se mit à crier d’une voix forte :
— — Jean-Marie, Jean- Marie Diable , viens-tu ? Jean-Marie Diable, viens-tu ?

À l’instant, il vit venir à lui un petit homme noir, bossu, haut d’un pied à peine, qui se plaça devant le forgeron en ouvrant une large bouche.
— — Tu es bien Jean-Marie, Jean-Marie Diable ?
— Oui, et que me veux-tu ?
— — Je serais heureux après ma mort d’être diable comme tu l’es, et de pouvoir jouer aux hommes tous ces jolis tours que tu m’as appris à connaître. Aussi je voudrais te vendre mon âme.
— Ton âme, est-ce bien vrai ?
— Oui ; mais que me donneras-tu en échange ?
— En échange ? Ce que tu voudras.
— — Je te demanderai peu de chose : assieds-toi pour quelques minutes dans ce fauteuil.
— Oh ! qu’à cela ne tienne ! dit le diable en s’asseyant.

Le forgeron le regardait en riant dans sa barbe. Au bout d’un instant, Jean-Marie Diable voulut se lever, impossible !.... Il était attaché au fauteuil par une force supérieure. Le forgeron le railla tout à son aise. Le diable criait, jurait, sacrait et blasphémait comme un vrai démon qu’il était, ce qui excitait encore plus la joie du paysan.

À la fin, ce dernier dit au diable Jean-Marie :
— Tu le vois, tu es bien mon prisonnier ; mais, écoute : promets-moi… ou plutôt jure-moi de ne jamais revenir me faire de tes vilains tours, et je te mettrai en liberté.
— Je te le jure.
— Ce n’est pas tout ; je viens de te vendre mon âme, il te faut me la rendre avec ma promesse.

Le diable Jean-Marie dut accepter encore cette condition. Bien penaud, il se hâta de quitter la forge et de se rendre chez les siens.

Jean-Marie Diable avait deux frères, tous deux démons comme lui, bien entendu. Délicoton, l’un d’eux, partit pour jouer de nouveaux tours au malin forgeron. Pendant deux nuits, toutes les barres de fer qui se trouvaient dans la forge se mirent à danser en produisant un bruit infernal, de concert avec les clous, les tenailles, les étaux et l’enclume.
— Certainement, se dit le forgeron, ceci est le fait d’un autre diable. Il me faut lui jouer un tour. Voyons… Délicoton, Délicoton, viens-tu ? Délicoton, viens-tu ?

Comment avait-il pu connaître les noms des démons, je n’en sais rien ; toujours est-il que Délicoton entra aussitôt dans la forge et demanda au paysan ce qu’il désirait.
— Te vendre mon âme… mais à une condition…
— Laquelle ? se hâta de dire Délicoton.
— C’est que tu iras me cueillir les belles poires qui couvrent le grand poirier du jardin. Je suis vieux… et je craindrais de me tuer en tombant de l’arbre.
— Une âme qui me coûtera peu ! pensait Délicoton en grimpant au haut du poirier.

Mais il ne fut pas arrivé d’un instant au sommet de l’arbre qu’il s’y sentit retenu par une force puissante. Le forgeron courut à la forge et en rapporta une longue barre de fer à l’aide de laquelle il battit d’importance le pauvre Délicoton, qui criait, geignait, tempêtait au haut de l’arbre comme s’il eût été plongé par un curé dans la cuve à l’eau bénite.
— Laisse-moi descendre, criait-il, laisse-moi descendre et je te rendrai ta parole !
— Oh ! que non. Je ne suis pas encore fatigué de frapper et je veux te faire payer la musique de ces deux dernières nuits. Allons, dansons, chantons ! Bien, bien ; mieux encore !…
— Oh ! grâce ! grâce ! jamais je ne reviendrai et je te rendrai ton âme !
— Est-ce bien sûr ?
— Je te le jure, foi de Délicoton ! Mais laisse-moi aller !
— Descends, alors, et ne reviens plus.

Encore plus honteux que Jean-Marie Diable, Délicoton retourna trouver ses deux frères. Il fut convenu que le troisième, Courentassé, irait se venger du forgeron. Celui-ci, pendant trois nuits, ne put fermer l’œil, piqué qu’il était par des milliers d’aiguilles que lui enfonçait dans la peau l’espiègle démon. Ayant réussi à connaître le nom du nouveau diable, le forgeron l’appela et lui offrit son âme à condition que Courentassé se mettrait dans son sac pour quelques minutes. Courentassé consentit, mais il fut à peine dans le sac que le forgeron appela son voisin le savetier, qui vint à tour de bras piquer d’une longue alêne le malheureux démon. Puis il mit le sac sur l’enclume et, appelant son garçon à son aide, il martela pendant deux longues heures Courentassé, qui ne cessait d’implorer sa grâce. Quand il eut fait les mêmes promesses que Jean-Marie et Délicoton, il put partir.

À dater de ce jour, le forgeron resta en paix avec les diables, qui craignaient à juste titre les dons merveilleux dont le Seigneur l’avait doté…

Trente ans plus tard, le paysan mourut… Il lui fallut trouver dans l’autre monde un endroit où y passer l’éternité… Il alla frapper à la porte du paradis.
— Pan, pan !
— Qui es-tu et que veux-tu ? lui dit saint Pierre en entrebâillant la porte.
— Je suis un forgeron, le forgeron d’Acheux. Je voudrais une petite place dans le paradis ; on y doit être fort bien, si ce que dit monsieur le curé d’Acheux est la vérité !…
— Certes, on y est fort bien… Mais, pour une place, il n’y en a pas pour toi. Quand le bon Dieu te donna trois souhaits à former, tu pouvais lui demander le paradis à la fin de tes jours ; tu ne l’as pas fait et tu as demandé des choses bien différentes ; tant pis pour toi !... Va-t’en !

Le paysan s’en alla à la porte du purgatoire. L’archange qui la gardait entendant pan, pan à la porte, l’entrebâilla pour la fermer aussitôt. Que faire ? Où aller ?.. Le forgeron, tout triste, prit le chemin de l’enfer.

Il frappa. Délicoton vint ouvrir. Mais, apercevant un visage qui ne lui était pas inconnu, il appela ses deux frères, Jean-Marie et Courentassé. Ces derniers n’eurent pas plus tôt reconnu le forgeron qu’ils appelèrent une bande de démons pour refermer la porte et empêcher l’intrusion de l’homme qui leur avait joué autrefois de tels tours.

La pauvre âme en peine, repoussée de tous côtés, alla de nouveau frapper à la porte du paradis.
— Pan, pan !
— Qui est là ?
— Moi, le forgeron d’Acheux.
— Je t’ai déjà dit qu’on n’entrait pas.
— Je ne viens pas pour entrer, mais je viens de m’apercevoir que j’ai laissé rouler une pièce de monnaie sous la porte du paradis et je vous prie de me la chercher.
— Ah ça ! suis-je ton valet ? Entre et cherche ta pièce, si tu le veux.

Le forgeron entra dans le paradis par la porte entrouverte et gagna le beau milieu de ce séjour. Saint Pierre voulut le forcer à en sortir, mais, comme le dit le paysan, une fois en paradis on ne peut en sortir, et l’on dut laisser le forgeron où il s’était installé.
Ce conte m’a été dit en décembre 1877, par M. Alfred Haboury, d’Acheux (Somme).


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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:26

Le Diable et le jeune homme qui ne voulait point être soldat



Un jeune homme allait tirer au sort. Être soldat était loin de lui plaire ; aussi disait-il, la veille du jour où la question allait se décider :
— Je me donnerais volontiers au diable lui-même si celui-ci consentait à m’empêcher d’être soldat.

À l’instant où le jeune homme prononçait ce blasphème, un grand bruit se fit entendre dans la cheminée et un petit homme aux pieds fourchus roula dans les jambes du paysan en poussant un joyeux éclat de rire.

— Ah ! ah ! ah ! ah !
— Hé bien ! Qui vous rend si joyeux, monsieur, et pourquoi vous introduisez-vous ainsi chez moi par la cheminée ?
— D’abord, je te dirai que je ne suis pas un monsieur, à moins qu’il ne te plaise de m’appeler monsieur le diable ; ensuite, si je m’introduis chez toi par la cheminée, c’est que j’ai des raisons pour le faire, raisons qu’il ne me plaît point de t’indiquer. Mais arrivons au fait.
— Je vous écoute, monsieur le diable.
— Voilà. Tu vas tirer au sort demain matin et je sais que tu dois ramener un mauvais numéro. Tu seras soldat pendant sept ans, sept ans !… Y penses-tu bien ? Je n’ai pas besoin de te dire combien tu seras malheureux, obligé d’obéir au premier caporal venu, mis à la salle de police ou à la prison pour la moindre faute, mal nourri, exposé à la chaleur, au froid, que sais-je ? Et puis la guerre viendra, tu iras te faire tuer je ne sais où et pour je ne sais quoi. Et puis encore il te faudra laisser Catherine, ta bonne amie, qui se consolera bientôt sans doute et qu’à ton retour tu trouveras mariée à un autre que toi !… Tu disais tout à l’heure que tu donnerais volontiers ton âme au diable pour tirer un bon numéro demain ; je suis un fort bon diable et, quoique ton âme ne vaille pas deux vieux liards, je suis prêt à conclure le marché avec toi. Je te ferai tirer un bon numéro, tu seras libre d’épouser Catherine et, comme toute peine mérite salaire, tu me donneras ton âme en échange.
— Combien vivrai-je encore d’années ?
— D’années, dis-tu ? Nous autres, nous n’aimons pas à compter de la sorte ; nous comptons par jours ; ainsi nous disons : de six heures du matin à six heures du soir, c’est un jour...
— Cela ne fait rien à l’affaire. Je demande à vivre encore vingt ans.
— Je t’ai déjà dit de parler en jours et non en années.
— Alors, comptons : vingt fois trois cent soixante-cinq jours, cela fait… cela fait…
— Cela fait sept mille trois cents jours… C’est convenu.
Signe ce parchemin de ton sang.

— De mon sang ?
— Oui, tiens…

Et le diable appliqua une de ses longues griffes sur la main du jeune homme, l’égratigna et en fit sortir une goutte de sang. Puis il tira une plume d’oie de sa poche, la trempa dans le sang et fit signer le pacte infernal au jeune homme. Quand ce fut fini :
— C’est bien, mon garçon ; je tiendrai ma promesse. Va joyeux au tirage au sort, épouse Catherine et attends ma visite dans sept mille trois cents jours. Au revoir, sans adieu.

Et le diable remonta par la cheminée et disparut.

Le lendemain le paysan tira le numéro le plus élevé du canton et se trouva ainsi dispensé de ses sept ans de service militaire.

Quelques jours après il épousa sa fiancée, la belle Catherine, et, dès ce moment, parut vivre fort heureux dans sa ferme. Il avait vingt ans de vie devant lui et ne pensait guère au moment où il lui faudrait se remettre entre les mains de celui qui l’avait acheté.

Cela dura ainsi pendant dix ans.

Un jour que le fermier, assis dans son grand fauteuil, fumait sa pipe dans le coin de la cheminée, devant un bon feu qui flambait dans l’âtre, il entendit un grand bruit au-dessus de sa tête et revit le diable descendre par la cheminée sans s’embarrasser dans la planche à suie, prendre une chaise et s’asseoir au foyer tout en ricanant comme à l’ordinaire.
— Ah ! ah ! ah ! ah !… Comment se sont passées ces dernières années ? S’est-on marié avec la belle Catherine ? A-t-on été heureux ? Suis-je un fort bon diable ? Allons, parle !…
— Avant de vous répondre, je voudrais savoir ce qui vous amène ici à pareil jour ?
— Comment, ce qui m’amène ? La belle question !…
Oublie-t-on si vite ses engagements qu’au bout de quelques années on y songe si peu ?.. Les trois mille sept cents jours au bout desquels tu devais m’appartenir corps et âme ne sont-ils pas écoulés ?.. Ta place est toute prête dans mon enfer, là-bas, en haut, et je viens te chercher pour te montrer le chemin de ta nouvelle demeure.

— Me chercher !… Impossible. Depuis le jour où j’ai signé le pacte avec vous, il ne s’est écoulé encore que dix ans, et nous sommes convenus de vingt ans.
— Encore une fois je ne comprends rien aux années, et si je viens de t’en parler, c’est pour parler comme toi ; je ne compte que par jours…
— Mais c’est trois mille sept cents jours et non la moitié que vous m’avez accordés…
— Comment, ne t’ai-je pas dit que le jour pour nous allait de six heures du matin à six heures du soir ? Et puis, de six heures du soir à six heures du matin, il y a encore un jour, ce qui fait pour dix ans trois mille sept cents jours… Allons, il faut me suivre !…
— Permettez-moi, au moins, de dire adieu à ma femme et à mes enfants.
— Non, il faut me suivre… Un, deux, trois, partons !

Et Satan saisit le fermier par les épaules et l’emmena avec lui en enfer. Quand Catherine vint dans la chambre, le feu brûlait encore, mais l’air était irrespirable, tant on y sentait le soufre.
Conté en février 1881, par M. Aubray, du Bosquel (Somme).


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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:30

Le Comte d’Aveluy en enfer


Il y a bien longtemps, si longtemps, m’a dit mon grand-père, que le grand-père de mon grand-père le tenait de son « ratayon ». Le comte d’Aveluy était en chasse ; suivi de son écuyer, il s’était mis à la poursuite d’un énorme sanglier qu’il avait débusqué d’un fourré. La course fut longue ; enfin le sanglier disparut tout à coup et le seigneur eut beau chercher, il ne put parvenir à retrouver les traces de l’animal. Le comte d’Aveluy descendit de cheval, se reposa, mais quand il lui fallut reprendre sa route, cela lui devint impossible ; il vit qu’il s’était perdu dans la forêt. Son domestique monta au sommet d’un arbre élevé et aperçut à quelque distance les tourelles d’un fort beau château totalement inconnu. Il fit part à son maître de ce qu’il avait vu et tous deux s’avancèrent dans la direction de ce château. Ils ne tardèrent pas à y arriver. Une grande rivière l’entourait ; les eaux coulaient rapidement et l’on ne pouvait voir d’où l’eau venait ni où elle se rendait. Le comte d’Aveluy sonna de son cor de chasse pour appeler l’attention des habitants, et il fut tout surpris de voir le pont-levis s’abaisser de lui-même pour lui livrer passage. Le comte laissa son cheval à l’écuyer en le priant de l’attacher aux branches d’un arbre et de venir ensuite le retrouver, puis il s’engagea sur le pont-levis et put ainsi traverser le large fossé au fond duquel coulait le torrent.

L’écuyer ayant attaché le cheval ainsi que son maître le lui avait commandé, se présenta pour passer à son tour ; mais le pont se releva au moment où l’homme allait s’y engager et force fut au suivant du comte d’Aveluy de s’asseoir sous un arbre en attendant le retour de son seigneur qui lui promit de se hâter.

Le comte d’Aveluy pénétra dans la cour d’honneur de cet étrange château et il fut fort étonné de n’y pas voir âme qui vive. Sans trop s’inquiéter, le seigneur entra par la grande porte – qui s’ouvrit d’elle-même – dans les appartements tendus de drap rouge qui se présentaient devant lui.

À force de traverser des pièces désertes, le comte d’Aveluy arriva dans un grand salon où il entra.

Un homme de haute taille, tout habillé de rouge des pieds à la tête, lui donna une poignée de main, lui dit qu’il était le bienvenu et l’invita à prendre quelques verres d’un excellent vin qu’il tenait en réserve pour ses hôtes. Puis il lui proposa de visiter le château. Le comte d’Aveluy accepta volontiers cette offre qui allait lui permettre de satisfaire sa curiosité, et l’homme rouge lui donna une paire de souliers à semelle fort épaisse qu’il le pria de chausser avant de commencer leur examen à travers les salles du château.
— Mais à quoi bon ces souliers ? Ne put s’empêcher de demander le comte.
— Vous le saurez bientôt. Suivez mon conseil et changez vos souliers de chasse contre ceux-ci.

Le comte d’Aveluy remplaça ses souliers par ceux que lui donnait son hôte, et la visite commença. Après avoir traversé quelques salles qui ne se distinguaient en rien de celles que le comte avait vues jusqu’alors, on arriva dans une vaste salle dont la vue saisit d’horreur le visiteur : le parquet était couvert de milliers d’hommes retenus par de longs clous qui leur traversaient les mains, les pieds et tout le corps. Ces malheureux criaient, hurlaient, blasphémaient et demandaient grâce ; puis ils essayaient par de violents mouvements de s’arracher des longs clous qui les retenaient fixés au sol ; leur sang coulait à flots de leurs plaies horribles.
— Pourquoi te trouves-tu ici ? demanda le comte d’Aveluy à l’un de ces misérables.
— Pendant ma vie, j’étais un ivrogne comme on en voit peu ; je battais ma femme et je la fis mourir de chagrin. J’ai été méchant ; c’est pour cela que je suis puni ainsi. Tous ceux qui sont ici ont été méchants durant leur vie et ils en ont pour l’éternité à expier leurs mauvaises actions dans ce lieu de supplice.

Toujours précédé de l’homme rouge, le comte d’Aveluy continua son chemin et, après avoir traversé cette salle, arriva dans une autre où un spectacle aussi épouvantable s’offrit à ses yeux.

Cette fois c’étaient des milliers de femmes qui cuisaient sur un énorme gril. Elles poussaient des gémissements affreux, criaient, pleuraient à fendre l’âme, se retournaient dans tous les sens sur les barres rougies du gril et ne réussissaient qu’à brûler davantage.
— Pourquoi es-tu punie ainsi ? demanda le comte d’Aveluy à l’une de ces femmes.
— Pendant mon séjour sur la terre, répondit-elle, j’aimai un jeune homme pauvre. Il me demanda en mariage en même temps qu’un riche seigneur. Par orgueil, je refusai la main du pauvre et j’acceptai celle de l’homme riche. Le malheureux jeune homme se noya de désespoir. Voilà pourquoi je suis ici.
— Et toutes les femmes qui souffrent comme toi ?
— C’est leur orgueil qui les a conduites ici pour l’éternité.

Et la malheureuse se reprit à se lamenter pendant que le comte et son hôte traversaient rapidement la salle de l’Orgueil. Plus loin ces derniers trouvèrent d’énormes chaudières dans lesquelles cuisaient des femmes toutes plus belles les unes que les autres.
— Pourquoi es-tu à bouillir ainsi dans cette chaudière ? demanda le comte d’Aveluy à une femme aussi belle que la Sainte Vierge, et qui poussait des cris encore plus épouvantables que ceux que le seigneur avait déjà entendus.
— Tu vois combien je suis belle ; mais ce n’est rien encore auprès de ce que je fus durant ma vie. Partout je fus célébrée pour ma beauté et malheureusement, comme les autres femmes qui endurent ici le même supplice, je profitai de ce don pour me livrer à tous les hommes qui voulurent m’acheter assez cher, soupira la pauvre femme.

Après cette salle, l’homme rouge en fit encore visiter une autre au comte d’Aveluy. Ceux qui s’ y trouvaient souffraient toutes sortes de supplices ; l’un d’entre eux courait après sa tête qu’il ne pouvait réussir à saisir.

Le comte d’Aveluy, qui avait pas mal de péchés sur la conscience, se garda bien de dire un mot au propriétaire de ce château bizarre et il se hâta de prendre congé du « Diable » – car cet homme ne pouvait être que Satan lui-même – et de sortir du château. Le pont-levis se baissa pour le laisser passer et se releva aussitôt après.

Le valet s’impatientait et craignait fort de ne plus revoir son maître. Après quelques tâtonnements, le comte retrouva son chemin et n’eut rien de plus pressé que de se rendre à la ville prévenir les autorités de ce qu’il avait vu.

La maréchaussée pénétra dans le château infernal, s’empara de l’homme rouge qui ne fit aucune résistance, et le transporta dans une prison solide pour attendre le jugement.

Quelques jours après les juges décidèrent que le Diable ou le sorcier qu’on avait pris serait brûlé solennellement sur la place de la ville.

Le comte d’Aveluy alla lui rendre visite à la prison et lui demanda s’il craignait beaucoup la mort et surtout la mort par le feu.
— Que m’importent vos supplices ? Ce n’est rien auprès des miens. Du reste, je ne mourrai pas complètement ; de mes cendres sortira un oiseau noir qui me reproduira plus tard.

Ce que le diable avait dit arriva en effet. On le brûla, et quand le corps fut consumé, un gros oiseau noir sortit du bûcher et s’envola en poussant un grand cri. À l’heure même, le château du diable disparaissait et était remplacé par de grands arbres.
Conté en juin 1878 à Mailly-de-la-Somme, par M. Philogone Dignocourt, d’Auchonvillers, élève du pensionnat Breuval.



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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:31

Les Sorciers

Le sorcier tient toute sa puissance de l’esprit du mal, du démon. C’est un homme qui a conclu un pacte écrit avec le diable. En échange de son âme, le sorcier obtient des pouvoirs fort variés, souvent même la richesse. L’esprit mauvais rend souvent visite au sorcier. On entend alors les tuiles et les vitres trembler ; des éclats de rire formidables éclatent dans la maison, qui paraît embrasée à l’intérieur.

Le sorcier peut jeter des sorts sur ses ennemis, faire mourir les bestiaux, détruire les récoltes, amener le vent, la pluie, la grêle, le tonnerre, empêcher le beurre de se former, faire tourner le lait, envoyer des poux et des puces, etc., etc. Par contre, s’il peut faire le mal, il peut aussi faire le bien : guérir des maladies par l’emploi de mots cabalistiques, de plantes connues de lui seul ou par des opérations bizarres pratiquées sur des animaux.

Les sorcières aiment-elles un jeune homme, elles n’ont qu’à vouloir et le jeune homme vient malgré lui se coucher auprès d’elles. Le lendemain il n’en a aucun souvenir si elles ont eu soin d’enfoncer cinq épingles dans une chandelle allumée en prononçant certaines paroles consacrées.

Les sorciers et les sorcières vont au sabbat le samedi à minuit et reviennent avant le chant du coq. Ils jouissent de la faculté de prendre la forme de certains animaux : loups, chiens, chats, chèvres, moutons, etc. Ce sont les animaux sorciers.
Les histoires qu’on raconte sur les sorciers sont nombreuses. Je n’en donne ici que trois ou quatre choisies parmi celles que j’ai recueillies jusqu’à présent.

É. Henry Caroy
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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:38

Le Sabbat du bois d’Orville



CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 729090-sabbat-de-goya
le sabbat par goya
https://mythologica.fr/demon/sabbat3.htm


Dans le bois d’Orville, près de Thièvres (Somme), se trouve un espace d’environ cinquante ares de superficie et de forme circulaire, et dont la végétation contraste fortement avec celle du reste du bois ; quelques bouleaux rabougris et quelques genêts seuls poussent dans cet endroit maudit près duquel est une petite mare remplie d’une eau toute croupie. Ce lieu est désigné par les paysans des environs sous le nom de « Bois aux Fées ». Voici ce que l’on raconte sur cette partie du bois :

Il y a fort longtemps, chaque samedi soir, les fées et les sorcières avaient coutume de s’y réunir de fort loin pour y fêter le grand Sabbat. Dès que la nuit commençait à tomber, les sorcières arrivaient la lanterne à la main et montées sur un manche à balai en guise de cheval. On s’assemblait autour de maître Satan et chacun racontait les événements de la semaine ou narrait à l’avance les expéditions projetées. Après le conseil, la danse commençait pour ne finir qu’au matin. Ce moment arrivé, les rondes cessaient, les sorcières prenaient leurs livres d’enchantements déposés dans les buissons ; puis elles retournaient auprès de leurs maris endormis qui ne se doutaient de rien.

Mais un jour, il arriva qu’un paysan ayant remarqué la lueur bien connue des lanternes dans le bois d’Orville, la fantaisie lui prit de savoir à quoi s’en tenir sur ces lumières et en même temps sur les assemblées des fées et des sorcières.

Il fit le tour du bois et y étant arrivé, il se glissa en rampant dans les broussailles jusqu’à ce qu’il se vît auprès des sorcières. Tapi dans un buisson, il put examiner à loisir l’assemblée réunie par le Diable. Parmi les danseuses, il remarqua l’une de ses voisines du village et il l’entendit raconter à Satan qu’elle avait jeté un sort sur les bestiaux d’Orville, afin de se venger du nom de sorcière que lui avait donné cet homme ; elle ajouta que les bestiaux en étaient morts aussitôt. Les sorcières s’étant avancées de son côté, le paysan dut s’éloigner quelque peu toujours en rampant ; tout à coup il sentit un livre sous sa main :

— C’est sans doute un livre de sorcière, pensa-t-il ; et il le ramassa et le mit dans sa poche. En ayant assez vu, il sortit du bois comme il y était entré et reprit le chemin du village. Mais là, il ne put se rappeler quelle était la voisine qu’il avait vue au Sabbat. Ayant cherché inutilement, il ne s’en préoccupa plus et alla montrer son livre au curé. Celui-ci l’ouvrit et n’y vit que des feuilles de papier blanc.
— Ce livre est un livre de magie, dit le curé au paysan, les sorciers et les démons seuls peuvent y lire des choses que nous n’y voyons point. Il te faut samedi soir reporter le livre aux sorcières, sinon il t’arriverait malheur.

Au Sabbat suivant, le paysan retourna au Bois aux Fées, y trouva les sorcières qui l’accueillirent avec joie, leur rendit le livre et se retira. Jusqu’au bord du bois, les fées et leurs compagnes l’accompagnèrent en disant :
— Tu as bien fait de rapporter notre livre ! Tu as bien fait ! Il t’en aurait coûté bien cher ! Tu as bien fait !


Et puis ce furent de gros corbeaux – si nombreux qu’on eût cru que tous les corbeaux des pays voisins s’étaient donné là rendez-vous – qui le suivirent jusqu’au village en croassant. Le paysan put rentrer chez lui sans autre incident.
Ce conte a été dit par M. Jules Bonnel, de Thièvres (Somme), en 1880.



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Le Loup-garou du bois aux fées


Chaque samedi, dans ce même Bois aux Fées, on pouvait voir un homme qui, après avoir déposé ses habits sur un buisson, se « touillait » (roulait) dans la vase de la mare et ne tardait pas à en sortir transformé en loup. C’était le loup-garou (en picard louerrou – loup-werrou) du Bois d’Orville. Le loup-garou se rendait aussitôt à Orville ou à Thièvres, entrait on ne sait comment dans une bergerie et en enlevait un mouton qu’il emportait au Bois aux Fées. Les sorcières, les fées et le Diable arrivaient, allumaient un grand feu de broussailles, faisaient cuire le mouton, le dépeçaient et le mangeaient avec le loup-garou.

Un homme guetta un soir le loup-garou en se cachant dans un buisson, et le vit reprendre sa forme humaine aussitôt que les habitués du Sabbat se furent retirés.

Le loup-garou n’était autre qu’un paysan de Thièvres. L’homme l’attendit à la sortie du bois et lui demanda pourquoi il se changeait ainsi en loup-garou.

— Voici bientôt dix ans, lui dit ce dernier, que je suis forcé de venir ici chaque samedi soir, me rouler dans la Mare aux Fées pour prendre la forme d’un loup et aller ainsi voler le mouton qui sert au souper du Sabbat. Je voudrais bien m’en empêcher, mais le diable est en moi quand l’heure de la réunion des sorcières approche et je suis poussé contre ma volonté à me faire loup-garou. Depuis dix ans, j’ai vu ici bien des choses horribles et j’ai appris bien des secrets. Je sais que pour me délivrer de la possession du diable, il te faudrait venir par exemple samedi prochain, auprès de la Mare aux Fées, t’armer d’un long sabre et le faire tourner rapidement au-dessus de ta tête jusqu’à ce que tu sentes un choc quelconque. Je serai invisible auprès de toi, et si tu me blesses de ton sabre, la moindre goutte de sang qui s’écoulera de ma blessure me guérira de la possession du démon.

Le paysan lui promit de remplir ces instructions à la lettre, et le samedi suivant il vint se placer dans un buisson près de la Mare aux Fées et attendit. Il vit arriver l’homme qui, après s’être changé en loup, était allé à Orville, puis les sorcières, les fées et le diable. On commença le repas. Bientôt le loup-garou sembla disparaître et le paysan fit tournoyer son sabre comme c’était convenu. Il ne tarda pas à frapper un corps dans l’air et le loup-garou tomba blessé sur le sol. Le Sabbat se termina aussitôt par la fuite des mégères et du diable, et le loup-garou, légèrement atteint, put revenir au village. Dès ce jour il fut délivré de la possession du démon, et les réunions du sabbat dans le Bois aux Fées cessèrent.
Ce conte aété dit par M. Jules Bonnel, de Thièvres (Somme), en 1880.


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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:41

Le Sorcier et les loups


Un homme d’Englebelmer se rendait toutes les nuits au sabbat ; sa femme, qui n’en savait rien, s’était bientôt aperçue que vers minuit son mari sortait du lit tout doucement pour aller courir aventures ; mais elle pensait qu’il la laissait ainsi pour des rendez-vous avec d’autres femmes ; aussi, un jour, se plaignit-elle fort vivement à son mari de ce qu’il avait des maîtresses dans le village.

— Je ne sors point pour des femmes, tu peux en être sûre, lui répondit l’homme. Je ne puis t’en dire davantage. Si tu aimes de la compagnie, je t’en enverrai demain soir dès que je serai sorti, car je m’en irai un peu plus de bonne heure que de coutume. Compte sur ma parole.

Le lendemain soir venu, l’homme se rendit au sabbat, et la femme, restée seule, entendit bientôt frapper à la porte.

— Ce sont les amis que m’a promis mon mari ! pensa-t-elle. Et elle alla ouvrir. Elle recula saisie de frayeur à la vue de deux loups énormes qui entrèrent en hurlant et allèrent se placer de chaque côté de la grande cheminée. La femme dut passer la soirée avec les deux loups, qui semblaient prêts à tout instant à se jeter sur elle.
Minuit arriva ; deux petits coups furent frappés à la fenêtre, les loups disparurent on ne sait trop comment, et le paysan rentra en disant à sa femme :

— — Tu m’avais demandé de la visite, tu en as eu !  
Conté en 1880, par M. Émilien Guilbert, d’Englebelmer (Somme). Henry Carnoy précise qu’Englebelmer est un village près d’Albert, petite ville située au nord-est d’Amiens.


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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:53

Les Sorts


Le berger d’un village ne peut conduire son troupeau sur les terres du village voisin : c’est la coutume de Picardie. Le berger de Senlis l’oublia un jour, et conduisit ses moutons sur le terroir d’Englebelmer. Mais le soir venu, lorsqu’il voulut retourner à Senlis avec son troupeau, aucun des animaux ne voulut le suivre ; il eut beau les frapper à coups de bâton, crier, jurer, « aherdre » les chiens, rien n’y fit, et ce qui lui parut le plus extraordinaire, ce fut de voir ses chiens rester tête basse, la queue entre les jambes, se refuser de mordre les moutons. Pour cette nuit, le berger dut rester dans les champs avec les brebis. Le lendemain matin, il en fut de même que la veille ; des laboureurs vinrent sans succès pour l’aider à faire sortir les animaux ; on ne pouvait les faire avancer d’un pas. Le berger pensa alors que son confrère d’Englebelmer pouvait bien être la cause de tout ceci ; un des paysans alla le trouver et lui demanda de retirer le sort qu’il avait jeté sur les moutons.

— Je le veux bien pour cette fois ; mais dites bien au berger de Senlis de ne plus s’aviser de recommencer. Il n’en sortirait pas à si bon compte qu’aujourd’hui.

Au même instant, le troupeau suivait le berger sur le terroir de Senlis, et les chiens remplissaient leur office comme à l’habitude.

Le berger d’Englebelmer avait retiré le sort.  
Conté par M. Émilien Guilbert, d’Englebelmer (Somme). Henry Carnoy précise que Senlis (Senlis-le-Sec) est, comme Englebelmer, un village proche de la petite ville d’Albert.

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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:54

Les revenants




Les histoires de revenants sont innombrables. Il n’est presque personne qui n’ait une aventure de ce genre à raconter. Le principal mobile qui pousse ceux qui sont morts à « revenir », c’est pour demander des messes ou l’accomplissement d’un vœu, parfois aussi pour faire payer une dette qu’ils ont contractée, ou restituer une somme ou un objet volés. Il est certains jours où les morts reviennent de préférence, le samedi, par exemple, à l’heure de minuit. Comme il arrive pour les lutins, pour les réunions des sorcières, etc., les apparitions ont lieu depuis minuit jusqu’au moment où le coq chante dans la cour des fermes.


À la Toussaint, les morts de l’année, précédés d’enfants de chœur agitant des clochettes, font trois fois le tour du cimetière en chantant la messe des morts. Le dernier décédé porte un seau renfermant les larmes versées dans l’année en mémoire des défunts.

É. Henry Carnoy
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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:56

Le Paysan et les revenants


Un paysan revenait un soir de vendre son blé au grand marché d’Arras. Il rentrait à pied, ayant laissé sa voiture à son domestique, qui ne devait revenir que le lendemain. Il allait arriver au village quand, en passant près d’un calvaire placé à un carrefour, il se vit entouré par des milliers de fantômes revêtus de leurs suaires. Les revenants se prirent par la main et se mirent à danser autour du paysan, qui, plus mort que vif, s’était assis sur la pierre soutenant la croix. L’homme distingua avec terreur les spectres de son père, de son aïeul et de l’un de ses frères – tous morts dans l’année – au milieu de la bande nombreuse de revenants qui dansait autour de lui.

Tout à coup, l’un des fantômes s’approcha du vivant et lui dit de le conduire avec ses compagnons à l’église du village, de prévenir le curé et de lui faire dire, cette nuit même, une messe pour le repos de leurs âmes.

— Tous ceux qui sont ici, continua le revenant, sont ceux pour lesquels on n’a point fait dire la messe des trépassés qu’on leur avait promise. Car sans cette messe il nous est impossible d’entrer dans le paradis. Nous devons attendre qu’un vivant nous conduise à l’église du village pour y faire dire la messe, et, bien que chaque mois nous nous réunissions à ce carrefour pour trouver cet homme, nous n’en avons pas encore rencontré qui pût nous rendre ce service. Ton père t’a reconnu et nous a dit que tu avais bon cœur. Hâte-toi donc et conduis-nous à l’église.

Le paysan, heureux d’obliger tous ces trépassés et en même temps satisfait d’en être quitte à si bon marché, se leva et courut au presbytère suivi des fantômes, qui le quittèrent près de l’église pour aller prendre leur place dans le chœur. Le curé ne se fit pas prier et vint officier avec le paysan pour dire les répons. Les revenants s’étaient rangés en bon ordre dans l’église, les vieillards par devant, les jeunes gens à droite et les femmes à gauche de l’entrée. À l’Évangile ils se levèrent tous avec un bruit d’ossements froissés, ils se signèrent dévotement au commencement, et à la fin ils répondirent en chœur par un Amen tel que le curé et le paysan n’en avaient jamais entendu de semblable. La messe continua, et quand le prêtre et l’homme se retournèrent pour dire l’Ite missa est, tout avait disparu ; les revenants étaient délivrés de leurs souffrances et étaient allés prendre possession du ciel.
Conté en 1879, par M. Amédée Débart, de Warloy (Somme).


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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:58

Le Revenant qui se fait porter à Notre-Dame


Un jour, la fille d’un paysan fit vœu de se rendre avec son père en pèlerinage à Notre-Dame de Brebières [2]. Bientôt elle oublia sa promesse et ne se rendit point à la chapelle de la Vierge. Un an après seulement, étant tombée dangereusement malade, elle songea au vœu qu’elle avait fait et fit promettre à son père de la porter à Notre-Dame de Brebières au jour et à l’heure qu’il lui plairait, à elle, étant morte, de revenir sur la terre tenir la promesse faite à la Vierge.

La jeune fille mourut et, lui aussi, le père, oublia son serment. Mais un mois plus tard, au moment où il venait de s’endormir, il fut réveillé par un fantôme enveloppé d’un grand suaire et qui n’était autre que sa fille défunte.

— Père, père ! Souviens-toi de ce que je t’ai demandé avant ma mort et de ce que tu m’as juré de faire. Prends-moi sur tes épaules et conduis- moi à la chapelle de Notre-Dame de Brebières cette nuit même. Je retourne au cimetière ; habille-toi et viens me prendre auprès de ma tombe.
— Je ne suis pas ainsi le jouet des mauvais lutins et des revenants, répondit le père, [color=#c71585et je ne te mènerai en aucune façon à Notre-Dame de Brebières : on me prendrait pour un fou dans le village. [/color][/b]
— Adieu, père, adieu ! Dans un mois je reviendrai ici même et à cette même heure te trouver. Adieu !

Et le fantôme se retira en sanglotant. Le père ne put dormir de la nuit, tout troublé qu’il était par cette apparition et par la demande extraordinaire que venait de lui faire le revenant.
Deux fois encore, à un mois d’intervalle, le fantôme revint, ainsi qu’il l’avait dit, prier son père de tenir la promesse faite au lit de mort de la jeune fille, et deux fois le père refusa.
Ces apparitions l’inquiétaient étrangement, néanmoins. Il aurait bien voulu les voir cesser, mais sa fille avait dit qu’elle reviendrait ainsi jusqu’au jour où son vœu serait accompli.

— Si le revenant se présente encore, se dit le père, je le conduirai à Notre-Dame de Brebières. C’est, je crois, tout ce que j’ai de mieux à faire. Je serai tranquille et ma pauvre enfant aussi.
Pour la quatrième fois le fantôme revint. Cette fois ses sanglots étaient plus déchirants que jamais.
— Père, père ! me portes-tu cette nuit à la chapelle de la Sainte Vierge ? La nuit est belle, bien belle ; viens donc au cimetière !

L’homme s’habilla sans bruit, prit son bâton et suivit le revenant au cimetière. Mais à l’entrée le fantôme avait disparu, et le père dut continuer seul son chemin à travers les tombes pour arriver à celle de sa fille. Arrivé là, il attendit.

Bientôt il vit sortir de leurs tombeaux des centaines de personnes qu’il avait connues autrefois et qui toutes, après l’avoir salué par son nom, se dispersaient aussitôt de-ci, de-là, dans toutes les directions.

Sa fille ne tarda pas, elle aussi, à sortir de son tombeau.

— C’est bien, père, tu m’as suivie. Baisse-toi, baisse-toi davantage, que je me place sur tes épaules.
L’homme se baissa et sentit un poids énorme le charger, tandis que deux bras, froids comme la glace, les bras de sa fille, s’enroulaient autour de son cou.
— Maintenant, en avant, père ! Il faut nous hâter. Je dois reprendre ici ma place avant le lever du jour. Hâte-toi !

S’embarrassant dans les tertres des tombeaux, dans les arbustes et les grilles, l’homme s’avança néanmoins et réussit à sortir du cimetière. Puis, s’aidant de son bâton, il prit la route d’Albert, le chemin du pèlerinage.

C’était vraiment une nuit terrible ; des lutins, des fantômes partout, à tous les carrefours, au pied de chaque croix plantée au bord du chemin.
Au bout d’une demi-heure de marche, le paysan, fatigué du poids énorme qu’il lui fallait porter, n’en pouvait plus de lassitude. Il voulut se reposer un instant auprès d’un rideau (talus).

— Non, père ; non. Marche toujours ; je veux être de bonne heure à la chapelle de Notre-Dame de Brebières. Allons, courage ; hâte-toi !
Le paysan continua sa route, portant toujours le corps de sa fille. Sur le chemin on ne voyait que des groupes de fantômes et de revenants hurlant et dansant, qui semblaient prêts à faire un mauvais parti au pauvre homme. Celui-ci ne faisait que se signer pour les chasser.

Enfin, harassé, mourant de fatigue, le paysan put arriver avec son fardeau à l’église de Notre-Dame. La porte s’ouvrit d’elle-même devant eux et ils purent entrer et aller se placer près de l’autel de la Sainte-Vierge de Brebières.

Un fantôme, revêtu des ornements du prêtre, officiait. La jeune fille répondit à la messe ainsi que l’eût fait un enfant de chœur. Quand le curé-fantôme eut dit l’Ite missa est, la jeune fille répondit Amen et vint se replacer sur les épaules de son père, qui, cette fois, ne lui trouva aucun poids.

— Mon pèlerinage est accompli, père. Porte-moi au cimetière, à mon tombeau. Tu ne me reverras plus, car je vais aller au ciel. N’oublie jamais à l’avenir d’accomplir toutes tes promesses. Un vœu non rempli empêche d’entrer en paradis.

Et le paysan ramena sa fille au cimetière. Là, sa fille le quitta et, à dater de ce jour, il ne la revit plus
Conté en 1878, par M. Frédéric Darras, de Warloy (Somme).


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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 13:01

Le Souper du fantôme


Il y a longtemps, bien longtemps, un jour que les vieilles femmes étaient à la veillée à filer à une vingtaine dans une cave pour économiser l’huile et le bois, il prit fantaisie à un jeune homme du village de jouer un tour aux fileuses en leur faisant une grande peur. Il prit donc un grand drap blanc et une chandelle et alla au cimetière chercher une tête de mort. On avait fait justement, quelques jours auparavant, un grand tas d’ossements qu’on devait placer peu après dans une fosse commune. Le jeune paysan n’eut donc que l’embarras du choix. Il prit la première tête de mort qu’il trouva à sa portée, courut la laver à la rivière pour la débarrasser de l’argile qui la couvrait et, après avoir mis sa chandelle allumée à l’intérieur, il reprit le chemin du village.

Arrivé là, il s’enveloppa du drap blanc et se rendit chez les fileuses. Jugez de la frayeur des pauvres femmes en voyant apparaître au milieu de leur groupe ce fantôme, agitant la tête de mort et disant d’une voix sourde :
— À genoux ! À genoux ! Priez pour le repos de mon âme !

Les fileuses, saisies de terreur, se précipitèrent à genoux sur le sol et firent de grands signes de croix pour éloigner le revenant.

— Allons, dites cinq Pater et cinq Ave pour mon repos éternel ! continua le spectre, et il commença lentement : Pater noster qui es in cœlis… Les fileuses dirent les cinq Pater et les cinq Ave demandés et le jeune homme les quitta en murmurant des paroles bizarres auxquelles les bonnes femmes et lui-même ne comprenaient rien, et pour cause.

Minuit était ainsi arrivé et le paysan, fatigué, retourna au cimetière pour y reporter la tête de mort.

Mais avant de la replacer avec les autres ossements, le jeune homme, quelque peu excité par les plaisirs de la soirée, parla à l’oreille du mort et lui dit :
— Tu m’as procuré beaucoup d’amusement, ce soir ; il est fort juste que je t’en récompense. À rester ici avec tous ces vilains morts, tu dois t’ennuyer beaucoup ; viens donc dans quinze jours, à pareil moment, me demander à souper. Je suis fort curieux de manger avec un mort. Je t’attendrai vers neuf heures du soir ; ne l’oublie pas. D’aujourd’hui en quinze, hein ?
— Oui ! répondit la tête de mort.

Le jeune homme replaça la tête parmi les ossements, souffla sa chandelle, replia son drap et revint chez lui.

Le lendemain et les jours suivants il rit beaucoup en entendant raconter par les fileuses l’apparition terrible de la veille. Quelques jours se passèrent et le paysan ne songea plus à la tête de mort et au souper auquel il avait invité celle-ci.

Le soir du quinzième jour, vers l’heure fixée, il venait de se mettre à table pour souper, sans penser au mort, quand il entendit dans la cour une sorte de froissement singulier.

— C’est la grêle qui crépite en tombant, pensa le jeune homme.
Deux coups secs furent frappés à la porte.
— — Qui est là ?
— Ouvre, c’est moi.
— — Qui, toi ?
— Moi !

Le paysan ouvrit la porte, et un spectre, un squelette, plutôt, revêtu d’un long suaire gris sale, tout en lambeaux, entra dans la maison.

Le jeune homme se ressouvint de la promesse faite au cimetière et vit que le mort venait souper avec lui. Sans s’en effrayer davantage, il lui offrit une chaise à la table et le fantôme s’assit en produisant, par l’entrechoquement de ses os, ce bruit de grêle tombante qui avait frappé le paysan quelques instants auparavant.

Le souper se composait d’une excellente soupe à l’oseille, dont le mort mangea une bonne assiettée ; d’une fricassée de mouton, de salade et de beurre frais qui parurent fort du goût du singulier convive assis devant le jeune homme. On but quelques bonnes bouteilles de cidre mousseux et la tête du jeune homme ne tarda pas à lui tourner. Il chanta toutes les chansons qui lui revenaient en mémoire, et de temps en temps le mort faisait chorus, paraissant tout aussi animé que le chanteur.

— — Si nous dansions ? dit à la fin le jeune homme.
— Dansons !

Et le mort se mit à danser une danse folle avec le paysan, pendant que ses os s’entrechoquaient avec un bruit d’enfer.

Minuit vint et le jeune homme, fatigué, éprouva le besoin de se coucher. Il le dit au fantôme qui, cessant de sauter par la chambre, reprit sa place à table de la façon d’un homme qui ne veut pas se retirer.

Une heure du matin sonna à l’église et le paysan, n’y tenant plus, alla se coucher, laissant son compagnon sur sa chaise. Le jeune homme était à peine couché qu’un nouveau bruit d’ossements agités se fit entendre et que le squelette vint se coucher à côté du vivant. Cette fois celui-ci eut peur ; il tremblait de tous ses membres : il eût voulu crier et appeler du secours, mais il ne pouvait articuler une seule parole. Terrifié, il dut se borner à se coucher dans un coin du lit pour éviter le contact glacé des ossements du mort. Il ne put dormir de la nuit.
Vers quatre ou cinq heures du matin, le coq se mit à pousser un joyeux coquiacou ! coquiacou ! pour annoncer l’approche du jour. Le squelette se réveilla, se leva tout d’une pièce et disparut en disant au jeune homme :
— Je ne veux point être en reste avec toi. Tu m’as fort bien reçu ce soir dans ta maison ; dans quinze jours je t’attendrai au cimetière pour y souper. Je compte sur toi. Adieu !

Le paysan se promit bien de ne pas se rendre à l’invitation du mort.

Quinze jours plus tard le jeune homme revenait de la ville voisine et passait près du cimetière sans songer davantage au mort, quand celui-ci se montra tout à coup devant lui, le prit par la main et l’entraîna en lui disant :

— C’est bien ; tu es un homme de parole. Le souper est préparé et je t’attendais. Pour te fêter j’ai invité tous mes amis. Ils nous attendent près de la porte du cimetière.

À demi-mort de frayeur, le paysan entra dans le champ des morts, où il fut reçu par les acclamations des fantômes assemblés. Son hôte le conduisit à une antique chapelle, souleva la pierre du caveau et le fit descendre dans le souterrain, où un grand souper était servi. Tous les morts vinrent s’asseoir à la grande table et le dîner commença au milieu de la joie générale et de la terreur du jeune homme, dont les dents claquaient violemment.

Voyant enfin que rien de fâcheux ne lui arrivait, il essaya de manger comme les autres convives, et pour s’étourdir il but coup sur coup plusieurs verres de l’excellent vin des morts.

Puis la danse commença et le jeune paysan dut danser avec un squelette de jeune fille, qui l’étreignait violemment et qui l’embrassait à tout instant.

— La ronde ! la ronde ! crièrent les morts. Et tout le monde sortit du caveau pour faire la ronde dans le cimetière. On se prit par la main et l’on sauta en tournoyant au-dessus des croix, des tombes et des chapelles. Ceci dura jusqu’au matin.
On entendit le chant du coq dans le lointain ; la danse cessa, les tombes s’ouvrirent et les morts disparurent. Le paysan resta tout étourdi jusqu’au lever du soleil.
Il revint alors au village et se fit prêtre .
Conté le 20 février 1881, par M. Jules Bonnel, de Thièvres (Somme).


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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 13:02

La Danse des fantômes

Un jour de fête les jeunes gens du Bosquel avaient beaucoup dansé et beaucoup bu. La plupart d’entre eux étaient à moitié ivres.

— Si nous terminions la fête en allant danser dans le cimetière ? dit tout à coup l’un d’eux.
— Oui, oui ! Allons danser une branle autour des tombes ! s’écrièrent les autres.

Et tous, se prenant par la main, partirent en chantant danser au milieu des tombes. Les uns buttaient dans les tertres, les autres renversaient les croix de bois, mais on se relevait vite et la danse reprenait de plus belle.

Tout à coup, minuit sonna à l’église du village et, sans savoir pourquoi, les jeunes gens s’arrêtèrent dans leur danse. Les tombes s’ouvrirent toutes et engloutirent les joyeux danseurs. Pas un ne rentra au village.

Chaque année, le jour de la fête patronale, on raconte que les tombes s’ouvrent et que les danseurs reprennent leur ronde en poussant des gémissements terribles. À minuit les tombes se referment sur les fantômes et tout rentre dans le silence .
Conté en février 1881, par M. Aubray, du Bosquel (Somme)


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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 13:04

LA VIERGE ET LES SAINTS


J’AI trouvé peu de récits et de légendes relatifs à la Vierge et aux saints. Les superstitions à ce sujet sont plus nombreuses.
La légende de Notre-Dame de Brebières offre un trait commun à bien des légendes de saints : la Vierge placée dans une église où elle ne se plaît pas et s’échappant chaque nuit jusqu’au jour où les fidèles édifient un nouveau sanctuaire à son intention.
La légende de saint Séverin et les Lis bleus se retrouve dans les anciennes provinces d’Artois et de Flandre. M. S. Henry Berthoud la rapporte dans l’un de ses ouvrages de botanique (1).

[color:d105=99ccff]É. Henry Caroy


(1) La Botanique au village.
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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 13:05

Légende de Notre-Dame de Brebières


IL y a bien longtemps, un berger de Brebières, près d’Albert (Somme), avait remarqué que ses brebis paissaient de préférence l’herbe d’un petit espace de terre situé dans le pâtis communal, et que, malgré cela, l’herbe était toujours en cet endroit la plus grasse et la plus belle. C’était fort étonnant et le berger n’y comprenait rien. Il voyait bien ses moutons dévorer l’herbe, mais toujours celle-ci repoussait plus abondante que jamais. Un jour, il s’avisa de creuser le sol en cet endroit pour voir ce que ce terrain offrait de particulier.
D’abord il ne trouva rien ; mais ayant dans son impatience enfoncé sa houlette d’un fort coup dans le sol, il retira le fer de son instrument tout couvert d’un sang vermeil. Le berger, encore plus intrigué, déblaya la terre et découvrit bientôt le corps de la Sainte Vierge portant l’enfant Jésus dans ses bras.

Il prévint le seigneur d’Ancre (Albert), qui avait des droits sur Brebières, et ce dernier fit conduire processionnellement la Vierge de Brebières, trouvée d’une façon si extraordinaire, dans l’église paroissiale d’Ancre.

Mais le lendemain, quand le curé entra dans l’église, la Vierge et l’Enfant Jésus avaient disparu. On crut à un sacrilège, à un enlèvement ; on chercha de tous côtés, et l’on finit par découvrir la Vierge et l’Enfant dans un coin tout isolé de la ville, non loin de la rivière d’Ancre.
On les reporta à l’église paroissiale avec les mêmes cérémonies, et le seigneur prescrivit une enquête sévère pour connaître les auteurs de l’enlèvement de la Sainte Vierge.

Mais le lendemain, celle-ci avait disparu à nouveau et on la retrouvait dans le même coin désert de la ville, d’où on la ramena à l’église pour la troisième fois. Des gardes du château, auxquels s’étaient joints les moines du couvent, passèrent la nuit suivante à veiller la sainte.
Vers minuit, la Vierge quitta sa place de l’autel, et sans qu’on pût la voir faire le moindre mouvement, elle sortit lentement de l’église et se rendit à l’endroit où deux fois déjà on l’avait retrouvée. Ceci indiquait que Notre-Dame de Brebières voulait dans ce quartier d’Ancre une église à elle spécialement consacrée. C’est ce que comprirent le seigneur, les moines, les abbés et les habitants d’Ancre, qui élevèrent à la Vierge, sous le patronage de Notre-Dame de Brebières, une belle église au lieu désigné d’une façon si merveilleuse.

La Vierge, placée dans cette église après la consécration de l’édifice, y resta dès lors en repos avec l’Enfant Jésus et ne se fit plus remarquer que par de nombreux miracles qui l’ont rendue fort populaire dans le Nord, et qui, chaque année, le 8 septembre et les jours suivants, attirent à Albert des milliers de pèlerins.




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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 13:06

La fontaine de Sainte Eulalie


SAINTE Eulalie était une des saintes les plus célèbres dans les premiers temps du christianisme. Elle était surtout renommée dans tout le nord de la France pour les nombreux miracles qu’elle accomplissait en rendant la vue à ceux qui l’avaient perdue. Aussi voyait-on des aveugles venir jusque de la Belgique pour obtenir leur guérison de la sainte, qui vivait dans une hutte du Bois-Robert, qui faisait alors partie de la grande forêt d’Heilly.

Malheureusement pour les pauvres aveugles, sainte Eulalie fut dénoncée aux païens, et des soldats furent envoyés d’Amiens avec mission de la saisir et de la décapiter au lieu même où on la trouverait. La sainte femme était en prières près de sa demeure, quand les païens arrivèrent et lui apprirent qu’ils avaient ordre de lui trancher la tête à l’instant.

Avant de mourir, sainte Eulalie demanda au Seigneur de faire sourdre, au lieu même de son martyre, une source dont l’eau eût la propriété de guérir les pauvres aveugles et tous ceux qui se trouveraient malades des yeux.

La sainte vit son souhait exaucé. Une source se montra aussitôt et la bonne femme eut la joie de voir que Dieu n’abandonnerait point les pauvres aveugles.
Depuis ce temps, la fontaine jouit d’une grande célébrité. Elle a disparu depuis une quarantaine d’années, à la suite du défrichement des bois environnants.



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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 13:08

Saint Séverin et les lys bleus



Saint Séverin, apôtre du nord de la Gaule, n’aimait que trois choses après Dieu : son prochain, les oiseaux – particulièrement les rossignols – et les belles fleurs des champs et des bois. Il vint un jour s’établir dans la vallée de la Somme, au beau milieu des païens, bâtit sa hutte dans les marais, convertit les habitants et se fit aimer de tout le monde.

Mais une chose manquait à son bonheur : il était surtout peiné de ne voir aucun rossignol dans le pays où il s’était établi. Comment les rossignols y auraient-ils vécu du reste ? Ces oiseaux ne vivent que dans le pays où l’homme prend plaisir à les écouter, et les pauvres gens des alentours, minés par les fièvres de marais, ne songeaient aucunement aux chants pourtant si doux des rossignols.

Saint Séverin pria la bonne Sainte Vierge d’envoyer une jolie fleur qui pût assainir les marais, guérir les hommes, et par là permettre à ces derniers de se réjouir du chant des oiseaux.

Le lendemain, à son réveil, saint Séverin trouvait le marais tout couvert d’un tapis bleu de ciel, formé par une innombrable quantité de lis bleus ; le marais cessait de corrompre l’air et des nuées de rossignols, de pinsons, de fauvettes venaient s’établir dans la vallée de la Somme, accomplissant ainsi le vœu du bon ermite.



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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 22:10

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Les Vertes-Velles : étranges créatures recueillant l’âme noire du sorcier de Noirmoutier.



En 1902, un petit-fil de marin vendéen rapporte l’étrange aventure vécue jadis par son grand-père revenant de la mer par une belle nuit de juin, et débarquant par claire nuit d’été sur l’île de Noirmoutier : ce soir-là, le sorcier bien connu et redouté des insulaires passe de vie à trépas, l’occasion pour les Vertes-Velles de venir s’emparer de son âme afin de l’emporter avec que le coq ne chante…
(d’après « Revue du traditionnisme » paru en 1914)



CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 276467-VENDEE
Marais poitevin



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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeVen 16 Aoû - 22:16

Les Vertes-Velles




Le marin Vincent et son matelot Jacques revenaient de la mer par une belle nuit de juin, débarquant au port de la Guérinière, en l’île de Noirmoutier, vers onze heures du soir.  La pêche n’avait pas été mauvaise ; les deux marins mirend dans des sacs ce qu’ils voulaient emporter pour leur famille et le reste, réparti en deux lots, fut déposé à la cantine où l’aubergiste veillait encore, attendant la rentrée des dernières barques. Pour fêter la bonne pêche et pour se donner des jambes, car c’est dur de marcher, le dos courbé sous la charge, dans du sable qui cède sous le pied, ils prirent un verre de blanche et les voilà partis.

La nuit était belle, le ciel fourmillait d’étoiles et la lune brillante flottait dans le bleu sombre comme un voile d’argent sur une mer immobile. Ils allaient vers l’Épine, où demeurait alors père Vincent. Tous deux marchaient muets et pensifs, car ils n’osaient troubler, même de leurs voix, le grand silence de la nuit. Ils avaient l’âme religieuse, ces deux du vieux temps, bien qu’on ne les eût jamais vus à l’égllise ; et dans la nuit de juin, ils se sentaient impressionnés par tant de grandeur dans le ciel bleu, par tant de paix sur la terre, et leur cœur de loups de mer était étrangement troublé, et leur silence semblait comme la prière obscure de leur âme émue devant le mystère de l’infini.


CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 999471-le-port-de-normoutier
Le port de Noirmoutier. Aquarelle de B. Tessier



Ils logèrent d’abord la plage, puis, allant droit sur l’Épine ils coupèrent la dune et en suivirent la lisière, du côté des marais salants, pour marcher plus à l’aise sur le sable fin mélangé de terre brune. Il était une heure environ – les deux homems n’allaient pas vite, voyez-vous – quand ils aperçurent, à un demi-mille devant eux, toute blanche comme un logis d’argent sous la lumière crue qui tombait de la lune au plus haut du ciel, la maison basse de maitre Corvou.

« Maitre Corvou ne pourra pas, cette nuit, nous jouer un mauvair tour », dit enfin Jacques, « ni nous faire perdre notre pêche ou nous égarer dans les parées de la dune… »
« Et pourquoi dit-tu cela, gars ? »
« Mais vous ne savez donc pas que le Corvou est bien mal ? »
« Ah ! je comprend, maintenant, Jacques », reprit Vincent, « Je me souviens que, hier, comme je larguais l’amarre et que je prenais la barre pour sortir du prot, le vieux Piarou, le patron de ceux de la Fleur des Vagues, m’a crié, en me passant à toute vitesse comme si le diable eût été dans ses voiles : « je crois bien que je serais bientôt mon maitre, le Corvous s’en va… ». je n’avais pas, sur l’instant, saisi le sens de ses mots ; puis, comme nous avons bourlingué ferme et péché rude,, j’avait tout oublié. Je me rappelle maintenant que Piarou riait à moitié dans sa grande barbe grise. C’est que le Corvou lui en a fait voir de toutes les couleurs et surtout du noir. Il fut un temps de malheur pour ce bon Piarou ; il perdit son grand gars au retour de la flotte, au moment où il comptait enfin avoir un bon second ; la pêche fut mauvaise, plusieurs années durant, et, de malheur en malheur, il fallut encore, par un jour de grosse mer, que sa barque talonnât sur les rochers du Veil, non loin du Cap. On dut la renflouer ; or, le pauvre homme n’avais plus un sou ; alors, il emprunta à Corvou et lui donna une part dans la barque réparée ; mais, depuis, le sorcier en a profité pour le gruger et lui enlever le plus clair de son gain ».
« Le Corvou ! » dit Jacques, avec un trembement dans sa voix plus basse, comme s’il avait craint d’être entendu. « Quel nom ! Corvou ! Corvou ! »
« Oui, Corvou, le Corbeau ! nom d’oiseau noir ! surnom de malheur ! être maudit ! Il court la nuit comme un hibou, il écoute aux portes, il rôde autour des maisons où gémissent les agonisants. Corvou de mot, pourvoyeur de deuils ! »
« On dit qu’il est très riche, et cependant, il n’a jamais travaillé »
« Oui ! son père s’appelait Corvou, son grand-père aussi. Tous. Corvou de surnom de père en fils, tous Corvou de fait dans leur vie, se passant l’héritage damné de leurs abominables pratiques, tous semeurs de malheures et de deuils, écumeurs du peuple des pauvres gens comme ce brave Piarou. Sinistres oiseaux de proie toujours à l’affût, terrifiant tout le monde, ils ont vécu des larmes et des sueurs de ceux qui souffrent et qui travaillent. Ah ! si l’on pouvait réunir sur quelque grande place toutes les victimes des Corvou, on serait épouvanté par l’immensité de cette foule secouée de sanglots, par cette multitude d’êtres éplorés, les lèvres frémissantes des plus implacables malédictions. Corvou au mauvais œil, ton heure, comme la nôtre, est marquée au cadran du ciel ».
« Le Corvou est tout seul chez lui » reprit Jacques « il n’a voulu ni médecin, ni veilleur, ni curé ».
« C’est juste que ces gens-là crèvent comme des chiens. Ces Corvou de mort, n’ayant jamais connu le bien, n’y peuvent pas revenir sur leur fin, et ce sont les démons, leurs frères, qui les emmènent. C’est ce que l’on dit toujours, et je le croix bien. Et ça doit être les cris de mort des Corvou qu’on entend la nuit dans la tempête, quand quelqu’un de nous périt en mer et rend à Dieu son âme ».


Un silence se fit, et ces deux hommes, qui n’allaient point à l’église, semblaient se recueillir en parlant de si grandes choses dans le mystère de la nuit. Tout en devisant, ils étaient arrivés près de la maison de Corvou. Ils n’avaient pas peur de lui, cette nuit-là ; mais, cependant, par un reste de méfiance, ils se glissèrent en étouffant leurs pas sous une haie de tamarins. Derrière, c’était la cour du Corvou, puis sa maison qu’on apercevait toute blanche sous la lune, entre les minces rameaux des arbustes.

Soudains, les deux hommes entendirent du bruit dans la cour. D’un bond, ils se tapirent sous la haie, épouvantés, retenant leur souffle… Quoi donc ! Etait-ce le Corvou qui marchait là, à quelques brasses d’eux, le Corvou qu’on disait à l’agonie ? Allait-il passer devant eux, drapé de noir, l’œil rouge, et promener encore dans la nuit sa sinistre silhouette ? Alors il les verrait, il les regarderait de son œil méchant et dur comme un lame de sabre et ils seraient ensorcelés et malheureux à jamais, eux et leurs enfants.

Les bruits continuaient, plus forts, plus distincts aussi : c’était surtout des bruits de pas, car l’on entendait les sabots de bois claquer sur le sol ferme de l’aire. Ce furent ensuite des grincements d’essieur et le roulement saccadé d’une charrette. Puis brusquement, violemment, deux volets s’ouvrirent en heurtant les murs et les deux hommes crurent comprendre alors qu’on escaladait une fenêtre. Vincent se souleva un peu, et, tremblant, fiévreux – lui qui n’aurait pas frémi devant la mort en mer -, il osa regarder à travers les tamarins.


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Habit de sorcier. Dessin de Claude Gillot (1673-1722)

« Ah ! Dieu ! les Vertes-Velles ! » murmura-t-il. Jacques regarda aussi. Là, dans la cour, inondée de lumière par la lune, il y avait un chariot tout peint en noir. A côté, un petit homme semblait attendre, un nain, un vrai squelette, mais sa face osseuse et livide, coiffée d’un capuchon noir, était trouée de deux grands yeux brillants comme des charbons ardents. Sous les lèvres usées, les dents apparaissaient longues et blanches ; un affreux sourire, plissant jusqu’à l’attache des oreilles la peau jaunie des joues, rendait plus horrible et plus méchante l’expression de cette infernales figure.

La fenêtre de la maison de Corvou était ouverte et l’on entendait encore des bruits dans l’intérieur, des piétinements, des frémissements de linge, des soupirs et des jurons. Les deux pauvres marins, n’osant plus bouger, pareils à des blocs de pierre, ne quittaient pas de l’œil l’épouvatable spectacle. Il allait, en effet, se passer des choses terribes ! Le nain semblait s’impatienter dans la cour. Il s’approcha de la fenêtre, et, se penchant à l’intérieur, il cria d’une voix sèche et grêle comme une lame d’acier vibrant : « Pressez-vous, frères ! Car la route est longue, la nuit s’avance et le coq va chanter ! » Il était deux heures du matin.

Soudain, deux autres nains apparurent dans l’embrassure de la fenêtre, en tout semblables à celui qui veillait dans la cour. Ils soulevèrent un fardeau bien lourd ; l’un d’eux, enjambant l’appui, passa dans l’aire, saisit la chose à deux brass et la porta dans la charrette. Les deux marins cruent mourir…

Les Vertes-Velles emportaient le Corvou ! Et le Corvou était mort ! Oui, le fardeau, c’était lui, avec sa bouche ricanante, méchante jusque dans la mrt, avec son nez en bec d’épervier, son grand front, sa tête chauve, ses longues mains de rapace ; mais il n’avait plus son regard de bête à l’affût, et sa tête retombait, inerte, sur ses longues épaules. Les nains le dressèrent debout dans le chariot, l’attachèrent avec des cables comme on arrime les sacs à bord pour les empêcher de tomber avec le roulis. Et tous trois alors s’attelèrent au véhicule : « En route ! ».

La voiture s’ébranla sous le triple effort, pendant que le cadavre, dans ses liens, oscillait sous les secousses, comme ces oiseaux morts que l’on attache, dans les champs, au bout de hautes perches, et que le vent balance lourdement. Et la lune jetait sur tout cela sa lumière d’une blancheur de suaire. Les marins n’eurent que le temps de s’enfoncer un peu plus osus les tamarins penchés : les Vertes-Velles, avec la funèbre charrette et le fantôme du Corvou, prenaient le galop dans le chemin, se dirigeant à toute vitesse sur la grand’route de l’île, et passaient comme des ombres de mort devant les deux malheureux pétrifiés.

En un clin d’œil, ils les dépassèrent sans tourner la tête, le dos courbé sous l’effort, leurs sabots trop grands battant la terre comme si elle eût été gelée, la voiture cahotant de ci de là sur les cailloux, et le grand corps, affaissé sur ses cordes, se balançant au ryhtome désordonné des chocs et des ressauts, effrayant, livide, plus livide et plus effrayant encore sous les clartés de la lune. En moins d’une minute, tout avait disparu, mais on entendait encore, au loin, bien loin, le roulement du chariot et le bruit sec des sabots trops grands sur la route solitaire.

Tout d’une haleine et ne se parlant qu’à demi mots, les deux marins coururent à l’Épine. Le jour pointait déjà au-dessus de l’Anse rouge, comme ils arrivaient au presbytère pour raconter au curé ce qu’ils avaient vu. Dès le lever du soleil, le prêtre se dirigea, accompagné de quelques personnes, vers la demeure du Corvou. Tout était clos dans le petit logis, même la fenêtre, et le Corvou, les paupières closes sur ses yeux rouges, semblait dormir sur son lit de mort.

Mais si les Vertes-Velles avaient laissé le corps sur sa couche, ils avaient emmené l’âme maudite et, fuyant le jour grandissant, ils devaient encore la rouler en un chariot noir, sur des routes obscures inconnues des hommes.

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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeSam 17 Aoû - 19:56

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LA LÉGENDE DE LA LOUVE BLANCHE DU CHÂTEAU DE TOUFFOU - POITOU




Cette légende date du 12ème siècle et a pour cadre le château de Touffou, situé dans le Poitou.


CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 868344-chateau-de-touffou



Géraud de Touffou, le châtelain de l'époque, était un fier chevalier qui avait ramené de ses périples de croisé une captive d'origine mauresque, dont il était tombé follement amoureux. Déracinée brutalement de son pays, elle accepte sous la contrainte de l'épouser et devient châtelaine du domaine poitevin... tout en ruminant des idées de vengeance dans le secret de son âme, qui devint aussi noire que sa peau.
Son mari en effet la délaissa bientôt et reprit le chemin des guerres et des croisades. La belle dame s'ennuya vite à mourir, d'autant plus que la rigueur du climat hivernal poitevin ne lui permettait guère de sortir longuement pour se changer les idées.
Elle modifia néanmoins brutalement sa façon de vivre, quittant le château sur sa jument et galopant à perdre haleine ... semblant soudain insensible au vent glacial qui rougissait ses joues ou aux branches nues des arbustes gelés qui lui griffaient les bras. Elle rentrait au petit matin, une lueur étrange animant son regard fiévreux.
Mais bientôt, les gens se plaignirent des attaques sanglantes provoquées par une meute de loups... une meute obéissant à une superbe et inquiétante louve blanche. La vie des paysans se transforma alors en cauchemar dus aux robustes bêtes aux dents tranchantes. Et, surmontant la mêlée de poils gris et argentés des mâles et restant un peu à l'écart de la meute, la fourrure immaculée et l'étrange lueur de haine dans les yeux mordorés de la louve blanche.




CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 562669-loup-blanc



Quand Géraud de Touffou rentra de croisade et apprit les ravages que provoquait la louve blanche et sa meute enragée dans toute la région, il se jura d'y mettre fin aussitôt. Après des jours de traque incessante dans les bois gelés et blanchis par la neige, il finit par la trouver et après un combat difficile... lui tranche une de ses pattes avant. La bête s'enfuit en hurlant de douleur de façon sinistre.
Le châtelain, content, s'apprêtait à ranger son trophée dans un sac quand il poussa un cri d'horreur en réalisant que la patte de la louve blanche, qu'il tenait un instant avant dans la paume de sa main, venait de se transformer sous ses yeux en une main humaine... une main féminine couleur d'ébène... celle de son épouse. L'anneau qu'il lui avait donné le jour de son mariage brillait encore à son petit doigt. Le doute ne lui était hélas plus permis : sa femme était une sorcière !
Il la retrouva dans la chambre nuptiale, gémissant de douleur dans la pénombre, les draps de brocart argenté ruisselant du sang coulant de sa main mutilée. Il dégaina son épée, lui planta en plein cœur, avant de descendre le cadavre et de le brûler sur un petit bûcher fabriqué à la hâte dans la cour du château.




CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 49030-feu



Géraud de Touffou ne se remit jamais de sa mésaventure. Devenu fou de chagrin, il erra dans la campagne poitevine et mourut de froid à la fin de ce sinistre hiver.
Les siècles ont passés, mais des anciens racontent encore parfois aux veillées, cette histoire devenue légendaire au fil du temps. Et certains jurent avoir aperçu, les nuits de pleine lune, dans les environs du château, la silhouette fantomatique d'une étrange louve blanche au regard mordoré, accompagnée de loin par un chevalier silencieux, qui semble veiller sur ses déplacements nocturnes.




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MessageSujet: Re: CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS   CONTES ET LEGENDES DE DIFFERENTES REGIONS - Page 2 I_icon_minitimeSam 17 Aoû - 20:14

LA MULE DU DIABLE ET LE SEIGNEUR GEOFFROI LE MAUVAIS

On voyait autrefois sur la rive gauche du Thoué, à peu de distance de la ville de Thouars, un château en ruines dont les sombres murailles contrastaient singulièrement avec le riant paysage qui les entourait. Ses tours éventrées, asile des corbeaux et des oiseaux de nuit, ses fossés fangeux, où les reptiles grouillaient en paix au milieu des ronces, lui donanient un aspect des plus sinistres. Ce vieux logis féodal s’appelait le château de Marsais. A la fin du XIIIe siècle, il était habité par un seigneur cruel et batailleur, redouté de tous ses voisins. On comptait par centaines les victimes qu’il avait tuées en combat singulier. Il s’appelait Geoffroi mais le peuple avait ajouté à ce nom une épithète bien méritée : partout on le nommait Geoffroi le Mauvais.



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Personne n’osait s’aventurer sur la terre de ce farouche châtelain. Un soir d’hiver il arriva quelque chose d’insolite à Marsais. Geoffroi sommeillait depuis quelques minutes au coin de son feu, lorsqu’un bruyant son de trompe se fit entendre à la porte du château. La nuit était proche. L’arrivée d’un visiteur, à pareille heure surtout, était quelque chose de si étrange que le seigneur réveillé en sursant s’élança d’un bond, pour donner l’ordre de courir sus à l’insolent qui venait troubler son repos. Au moment où il arrivait à la fenêtre, un spectacle singulier frappa ses regards : le pont s’abaissait de lui-même et la herse se relevait devant un chevalier qui arrivait monté sur une mule noire. Les serviteurs, accourus pour barrer le passage à l’inconnu, restaient cloués surplace et s’inclinaient sans oser lever la tête.

L’apparition du personnage avait en effet quelque chose d’effrayant. Revêtu d’une armure aussi sombre que la nuit, il s’avançait lentement en étendant le bras comme pour commander le silence. Sous la visière de son casque, on voyait, à l’endroit où devaient se trouver les yeux deux lueurs éclairant d’une façon sinistre la vaste cour du château. Les yeux de la mule lançaient aussi des sortes de flammes. Parvenu en face du seigneur, l’inconnu s’arrêta et lui adressa la parole en ces termes :

“Geoffroi, je viens de bien loin pour t’offrir le combat. Jusqu’à présent tu as toujours été heureux, mais le destin se lasse de t’être favorable. Il faut enfin que tu sois vaincu”.
Le seigneur lui répondit : “Je n’ai pas l’habitude de me battre avec ceux que je ne connais pas. Qui es-tu? Montre-moi ta figure”.
L’étranger de lui rétorquer :
“Je te croyais brave : je me trompais. Si tu veux voir mes traits, viens à minuit dans la forêt, au carrefour des Trépassés. Je suis le chevalier maudit. Oseras-tu croiser le fer avec moi?”
Geoffroi lui répondit :
“Il suffit. Tu ne saurais m’effrayer. Je me battrais avec le diable même, si je me trouvais en face de lui. A minuit, chevalier de la sombre figure, je t’enverrai rejoindre le roi des ténèbres, qui est sans doute un de tes proches”.
L’inconnu se contenta de lui dire : “En attendant, tu peux faire préparer ta fosse”.

A ces mots, le chevalier maudit disparut en laissant derrière lui un sillon de fumée. Malgré sa grande bravoure, Geoffroi le Mauvais n’était pas sans inquiétude. Ce sombre personnage, pensait-il, est sans doute Satan lui-même. Comment faire pour le battre? Tout à coup une pensée lui vint :
“Je le vaincrai” , s’écria-t-il!

Le seigneur de Marsais croyait beaucoup au diable et fort peu à Dieu. Il avait cependant conservé, dans son château, une petite chapelle dans laquelle on célébrait quelquefois le service divin. Il se dirigea de ce côté et courut au bénitier. Il tressaillit de joie en voyant qu’il était encore à moitié plein. L’eau bénite versée dans le fourreau de son épée devait lui assurer la victoire. A minuit, il arrivait au carrefour des Trépassés. L’inconnu s’y trouvait déjà debout à côté de sa mule, il attendait son adversaire. Suivant sa promesse, il avait le visage découvert. L’horrible expression de ses traits ne pouvait laisser aucun doute dans l’esprit : c’était bien le souverain de l’enfer. Geoffroi se plaça en face de lui et tira précipitamment son épée. Aussitôt le diable poussa un cri de douleur; l’eau bénite venait de frapper sa figure. Couvert de brûlures, aveuglé, il était hors d’état de se défendre.



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«Je suis vaincu», s’écria-t-il de rage. «Comme preuve de ta victoire, je te laisse ma mule. Prends-la sans crainte, elle te rendra de grands services. C’est une bête précieuse; elle ne se lasse jamais et n’a pas besoin de nourriture, il ne faut même pas lui donner à boire». Sans attendre de réponse de Geoffroi, le démon disparut. La mule était restée à la même place. Le seigneur de Marsais ne savait pas trop s’il devait accepter ce singulier cadeau. Il finit cependant par se décider à l’emmener.

Le diable avait dit vrai; sa monture était infatigable. Geoffroi s’en servit pour la reconstruction de son vieux château. Elle fut employée au transport des matériaux. Les ouvriers ne pouvaient suffire à mettre en oeuvre les pierres qu’elle apportait sans trêve ni repos, le jour et la nuit. L’édifice s’élevait comme par enchantement à la grande satisfaction de Geoffroi, mais au grand effroi des paysans de la contrée. En voyant monter si vite les hautes tours du château, ces derniers se signaient et disaitent tout bas que c’était une oeuvre infernale. Comme pour donner raison à leurs propos, le seigneur acheva sa construction sans relever la chapelle qu’il avait démolie. Le travail se termina pourtant sans accident et Geoffroi put s’installer dans sa nouvelle demeure. Il l’habitait depuis quelques jours, lorsqu’un soir un valet d’écurie croyant bien faire donne de l’avoine à la mule. Celle-ci, mise aussitôt en fureur, lança contre la muraille une si terrible ruade que le château s’écroula tout entier, en ensevelissant sous ses ruines le seigneur et ses gens.



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Le chevalier maudit apparut, dit-on, alors au milieu des ruines.  “Je suis vengé” , s’écria-t-il. Il s’élança ensuite sur sa mule, qui prit en galopante chemin de Maranzais. On voit encore, sur le piédestal de la croix Mathon une trace de son passage. C’est l’empreinte du fer de la monture de Satan. La mule avait voulu renverser la croix en passant, mais elle n’avait réussi qu’à entamer légèrement la pierre.
(D’après “Revue de l’Aunis” paru en 1869)


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